Le code européen de bonnes pratiques sur l’IA à usage général entre en scène. Derrière cette initiative encore « volontaire », se profile un tournant réglementaire qui concerne directement les Directions Formation. Car IA et formation sont désormais indissociables : maîtriser l’une, c’est gouverner l’autre. Et l’inaction ne sera bientôt plus une option.
Ce qui est encore volontaire aujourd’hui deviendra obligatoire demain
La Commission européenne vient de publier son code de bonnes pratiques de l’IA à usage général. Si ce texte n’a pas valeur contraignante en l’état, il fixe déjà le cadre de la future conformité réglementaire. Car à partir du 2 août 2025, les obligations relatives aux modèles d’IA à usage général entreront officiellement en vigueur. Et un an plus tard, ces règles deviendront exécutoires pour tout nouveau modèle commercialisé dans l'Union. Traduction : les entreprises qui, directement ou via leurs fournisseurs, utilisent des modèles IA génériques devront avoir fait leur mue. Ce n’est plus seulement l'affaire des DSI ou des juristes : les Directions Formation sont en première ligne, dès lors qu’elles conçoivent, distribuent ou utilisent des contenus exploitant des générateurs IA. Et dans les faits, ces cas d’usage sont déjà là, bien installés : traduction de contenus, génération d’exercices, résumés de documents, assistants tutoriels, moteurs de recherche conversationnels, etc. Ne pas prendre la mesure de ce changement, c’est se couper des réalités du terrain et laisser s’installer des pratiques non encadrées.
Un plan de marche pour les responsables formation
Le texte européen repose sur trois piliers : transparence, droit d’auteur, et sûreté-sécurité. C’est autour de ces trois axes que les responsables formation doivent structurer leur mise en conformité. Premier chantier : vérifier la conformité de leurs fournisseurs (plateformes, outils auteur, contenus sur étagère, etc.) avec les obligations de transparence, notamment en matière de divulgation de l’origine des données d’entraînement, des risques systémiques identifiés et du fonctionnement général des modèles utilisés. Ce travail pourra impliquer de solliciter directement les fournisseurs pour obtenir des garanties documentées, et d'intégrer la question de la transparence dans les appels d’offres ou contrats cadres. Deuxième étape : réaliser un audit rapide des contenus et formations internes générés ou enrichis par IA pour s’assurer de leur traçabilité et du respect du droit d’auteur. Cela suppose de recenser les cas d’usage, d’identifier les sources, de documenter les processus de création, et parfois de revoir certains contenus ou de suspendre leur diffusion en attendant des clarifications. Enfin, troisième étape : organiser une montée en compétences de l’équipe formation sur les principes de sûreté (cybersécurité, filtrage des sorties IA, etc.) et la manière de les traduire en critères de choix ou de déploiement. Là encore, il faudra s’appuyer sur les lignes directrices que la Commission publiera avant le 2 août, mais aussi sur les experts internes ou externes susceptibles de former les équipes ou de créer des référentiels simples et opérationnels. Mais l’essentiel est là : il faut enclencher sans attendre.
Un investissement utile, bien au-delà de la conformité
Adhérer au code de bonnes pratiques n’est pas qu’une démarche réglementaire. C’est un levier stratégique pour les Directions Formation. Pourquoi ? Parce qu’il oblige à se poser les bonnes questions sur les modèles utilisés, leur niveau de transparence, leurs biais, leurs limites. Et donc à faire des choix plus avisés. En formation, la puissance sans le contrôle, c’est juste du bruit génératif. S’engager dans cette voie, c’est aussi renforcer la confiance des collaborateurs dans les contenus qu’on leur propose, valoriser la démarche de qualité pédagogique et montrer que l’on prend la mesure des risques, sans tomber dans l’immobilisme. C’est aussi donner une cohérence à l’ensemble des actions liées à l’IA en formation, en évitant les effets de mode ou les déploiements mal encadrés. Enfin, c’est se préparer à un mouvement qui ne fera que s’accélérer : demain, la preuve de conformité aux règles IA pourrait devenir un critère de référencement, voire de financement des actions de formation. Certaines branches professionnelles ou opérateurs de compétences pourraient très bientôt exiger des garanties en matière de gouvernance IA, en particulier pour les formations cofinancées. Anticiper, c’est se donner le pouvoir de choisir les règles du jeu plutôt que de les subir.
À l’horizon : responsabilité et traçabilité
Ce code de bonnes pratiques met en lumière un changement de paradigme : la responsabilité de l’utilisateur devient aussi importante que celle du fournisseur. En clair, utiliser un outil IA tiers ne suffira plus à se dédouaner. Il faudra pouvoir démontrer que l’on a fait preuve de diligence raisonnable, que l’on connaît les caractéristiques du modèle utilisé, que les droits d’auteur ont été respectés, que les usages ont été encadrés. Cela suppose d’implanter une culture de la traçabilité dans les pratiques formation. Une logique d’archivage des générations IA, de documentation des prompts utilisés, d’encadrement des paramétrages par défaut. Cela implique aussi de former les utilisateurs finaux, qu’ils soient concepteurs, formateurs ou apprenants, à une utilisation éclairée et responsable de ces outils. C’est nouveau ? Oui. C’est complexe ? Un peu. Mais c’est faisable. Et ça donne à la Direction Formation un rôle nouveau, plus visible, plus transversal, plus stratégique. Elle devient garante d’une IA utile, sûre et responsable en entreprise. Elle peut aussi faire valoir son expertise auprès de la DSI, de la direction juridique, ou de la DRH, en s’inscrivant dans les comités de gouvernance IA et en portant une vision centrée usages et compétences.
Ne pas s’en emparer, c’est prendre un double risque
Rester spectateur face à cette réglementation, c’est s’exposer à un risque juridique à court terme. Mais c’est surtout rater une occasion unique de mettre la formation au centre du jeu. Celle qui maîtrise les modèles, les sources, les usages et les risques IA est mieux armée que les autres pour accompagner la transformation de l’entreprise. Ce code n’est pas un carcan, c’est un outil. Il faut s’en servir. Et il faut le faire vite. Car les délais sont courts, les exigences appelées à s’étendre, et les premiers audits pourraient tomber dès 2026. Mieux vaut être prêt que surpris. Et mieux vaut transformer une contrainte en avantage compétitif. Les Directions Formation qui auront pris ce virage seront aussi celles qui auront crédit, influence et impact dans les transformations à venir.
En téléchargement : Le code européen de bonnes pratiques sur l’IA à usage général
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