Maud Vignaud, directrice Ingénierie et Innovation Pédagogique à la Fédération Compagnonnique Nationale, revient sur le projet ESPRIT, qui a permis de digitaliser en profondeur les formations aux métiers du bâtiment. E-learning, serious games, escape games, micro-learning ou encore approche multimodale : une panoplie d’outils pour une pédagogie sur mesure, au plus près des gestes professionnels. Un projet ambitieux qui allie innovation technologique, ancrage métier… et accompagnement renforcé des formateurs.
 Votre projet ESPRIT a permis une digitalisation complète des formations aux métiers du bâtiment, notamment via l’e-learning et le serious game…
Maud Vignaud : L’une des transformations majeures apportées par la digitalisation est l'accessibilité accrue à la formation. L'e-learning, par sa nature même, affranchit les apprenants des contraintes géographiques et temporelles. Grâce à notre plateforme LMS, les apprenants ont accès quand ils veulent où ils veulent à leurs modules de formation. À cette accessibilité s’ajoute la personnalisation possible du parcours d'apprentissage, car les apprenants progressent à leur propre rythme. Un système de suivi individualisé peut également être mis en place pour identifier les difficultés spécifiques de chaque apprenant et proposer des ressources ou des exercices adaptés. Par ailleurs, Serious Games et autres escape games pédagogiques introduisent une dimension ludique et interactive qui contraste fortement avec les méthodes d'enseignement traditionnelles : l'apprentissage passif se mue en une expérience active et engageante.
Sous réserver d’un « storytelling » qui tient la route…
Maud Vignaud : En effet, le storytelling va placer l'apprenant au cœur du scénario imaginé. Il prend les décisions, résout les problèmes et observe les conséquences de ses actions dans un environnement virtuel sécurisé. Par exemple, dans l’un de nos escape game l’apprenant va voyager à travers plusieurs chantiers et résoudre des problèmes techniques de pose, faire attention à la sécurité… Chaque étape est gamifiée et lui permet d’accéder à la suivante. Sans s’en apercevoir, il met en œuvre ses savoirs et savoir-faire. Cet aspect ludique de l’escape game, avec ses défis, ses scores et ses récompenses, est un puissant facteur de motivation pour l’apprenant qui développe des compétences de manière plus naturelle et durable. L'erreur n'est plus perçue comme un échec, mais comme une opportunité d'apprendre et de progresser dans un environnement sans risque. Les jeux sérieux, quant à eux, proposent une expérience collaborative, parfois immersive où les apprenants doivent travailler en équipe pour répondre à des questions en lien avec les modules de formation, sous forme de carte ou de plateau. Ces jeux ont été conçus principalement dans l’objectif de faire réviser sur les connaissances essentielles du métier. Avec le jeu sérieux, nous développons les compétences transversales essentielles dans notre secteur du bâtiment, telles que le travail d'équipe, la communication, la résolution de problèmes, la pensée critique.
En somme, un apprentissage très concret…
Maud Vignaud : Nous avons opté pour une approche e-learning enrichie par des supports multimédias tels que les micro-learning (vidéos, des animations 3D, ou encore des motions design). Cela permet de donner corps à des concepts abstraits. Au lieu de lire des descriptions textuelles, les apprenants visualisent des techniques de construction, des mises en œuvre spécifiques. Ils peuvent les revoir où ils veulent et quand ils veulent. La digitalisation de nos formations, via l'e-learning et les serious games ou les escape games, a débouché sur une expérience d'apprentissage plus accessible, flexible, engageante, concrète, personnalisée et adaptée aux évolutions du secteur ! Ces outils ne se substituent pas à l'enseignement traditionnel, mais ils le complètent en proposant de nouvelles opportunités d'apprentissage interactif et immersif. De fait, ils figurent aujourd’hui dans la boîte à outils du formateur.
Ces nouvelles approches hybrides s’appuient également sur les neurosciences ?
Maud Vignaud : Pour les formateurs, les neurosciences sont une approche-clé pour concevoir des modules plus efficaces et adaptés aux spécificités cognitives des apprenants. L'hybridation leur permet d'exploiter une gamme étendue de méthodes et de supports pour dynamiser l’apprentissage. Notamment parce que nous nous croisons notre écosystème numérique de formation avec les avancées des neurosciences pour évaluer l'engagement, la compréhension et la mémorisation des apprenants de manière plus fine. Au passage, l’usage d’une plateforme LMS collaborative permet d’ajuster les contenus et les méthodes en fonction des retours des apprenants. Les apprenants bénéficient, eux aussi, de cette approche hybride outillée par les neurosciences qui exploitent les mécanismes d'attention et de mémorisation pour rendre l'apprentissage plus stimulant et pertinent, avec une alternance de modalités et une prise en compte des rythmes d'apprentissage qui favorisent l’assimilation des informations.
Le projet ESPRIT a mis l’accent sur l’accompagnement digital des formateurs dans la transition numérique ?
Maud Vignaud : Oui, parce que le formateur change de posture en devenant un facilitateur, c'est-à-dire un guide qui oriente les apprenants à travers les ressources numériques, les encourage à l'autonomie et à la collaboration, et les aide à construire leurs propres connaissances et surtout leur apprend à bien l’utiliser. De plus, le numérique incite les formateurs à expérimenter et à diversifier leurs méthodes, comme on peut le constater avec la classe inversée, l’apprentissage par projet, la pédagogie ludique déjà évoquée… Nous les accompagnerons dans cette puissante mutation.
Parmi les défis relevés, vous mentionnez la personnalisation des apprentissages grâce à la multimodalité offerte par votre plateforme LMS…
Maud Vignaud : L’approche multimodale inscrite dans notre plateforme LMS est au service d’une expérience d'apprentissage personnalisée et adaptée aux préférences et aux capacités de chacun. Pratiquement, les ressources types micro learning (vidéos, animations, infographies) ou encore des schémas clairs et concis vont venir faciliter la compréhension de concepts abstraits ; des présentations orales permettent une assimilation efficace des informations ; les jeux et les activités pratiques favorisent l'apprentissage par l'expérience et l'engagement actif. Notre LMS permet d’intégrer des parcours d'apprentissage modulables, des rappels et des exercices de révision pour faire progresser les apprenants à leur rythme. À l’inverse, des parcours accélérés, des contenus avancés et des défis engageants permettent de stimuler les apprenants les plus expérimentés.
De là, la prochaine création d’un laboratoire de recherche dédié à l’innovation pédagogique ?
Maud Vignaud : L’idée, c’est d'assurer à nos apprenants de vivre des expériences d’apprentissage augmentées qu’on ne peut pas forcément mettre en œuvre en centre de formation, pour coller au plus près de la réalité de chantier. On peut imaginer un apprenant stimulé grâce à la 3D spatiale, lui procurant un environnement complexe où il peut interagir de manière naturelle, manipuler des outils virtuels et appréhender les contraintes d'un chantier avant même d'y mettre les pieds.
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