L’intelligence artificielle ne se contente pas de frapper poliment… elle entre par la porte (machine learning) ou la fenêtre (deep learning) ou la cheminée (LLM, IA générative) de la maison formation. L'été, pour les responsables formation, l’occasion de poser les lunettes techniques, de s’éloigner des urgences et d’observer, calmement, comment l’IA redessine leur périmètre (leur maison. De la compréhension des mécaniques à l’œuvre, et des langages nouveaux qui les gouvernent.
L’IA, comme jeu d’engrenages… Elle ne pense pas, elle ne comprend pas, elle ne devine rien. L’intelligence artificielle est une mécanique : données, modèles, réponses. Ce qu’on appelle “IA” recouvre en fait toute une gamme d’outils — du plus bête au plus bluffant — qu’on utilise souvent sans le savoir. Une messagerie qui complète vos phrases ? Une IA (machine learning). Un moteur de recherche qui vous propose des contenus en fonction de vos clics ? Encore une IA (apprentissage supervisé). Et ces assistants capables de résumer un rapport de 20 pages ou d’écrire un plan de formation à la volée ? Toujours de l’IA… mais d’un autre calibre (grands modèles de langage / LLM). Le problème, ce n’est pas ce que fait l’IA. C’est qu’on ne sait plus laquelle fait quoi.
L’IA pour sortir enfin de l’uniformité… Combien de fois a-t-on recyclé la même ressource pour trois profils différents ? Combien d’apprenants ont suivi des parcours formatés, ennuyeux, mal ajustés ? L’IA n’élimine pas ces travers, mais elle donne les moyens de les dépasser. Génération de contenu (IA générative), traduction automatique (deep learning), quizz personnalisés (IA adaptative), accompagnement en temps réel : la formation semble libérée des contraintes de volume, de temps, de langue. À condition de savoir l’orchestrer. Une IA ne fait pas mieux qu’un formateur. Elle fait autrement, et à une autre échelle. Et c’est cette autre échelle qui change la donne : ce que l’on pouvait envisager pour une dizaine de personnes devient envisageable pour des centaines. L’économie du sur-mesure bascule.
Pas de supervision humaine, pas de valeur ajoutée… Une IA peut proposer. Mais elle ne sait pas si ce qu’elle propose est juste, utile, pédagogique ou aligné sur la stratégie de l’entreprise. C’est là que les ennuis commencent si personne ne reprend la main. L’erreur n’est pas technologique, elle est "managériale". Laisser une IA tourner seule, c’est comme laisser un stagiaire écrire les manuels sans relecture. L’IA est un levier, pas un pilote. Le professionnel L&D ne perd pas sa place : il devient celui qui sélectionne, ajuste, valide ; celui qui garde le cap dans un flot d’automatismes. Il doit aussi être celui qui fixe les limites : ce qu’on confie à la machine, ce qu’on garde pour l’humain, ce qu’on refuse de déléguer. La ligne est fine, mouvante, et appelle une vigilance éthique aussi bien que pédagogique.
Un paysage qui change plus vite que nos grilles d’achat… La cartographie des outils L&D est en train d’exploser. Autrefois, il suffisait de choisir un LMS, un outil auteur, un catalogue. Aujourd’hui, il faut distinguer ce qui relève de l’analyse prédictive (machine learning), de la génération de contenu (IA générative), de l’adaptation temps réel (IA adaptative), de la simulation conversationnelle (LLM). Certains outils savent apprendre de l’usage (reinforcement learning). D’autres simulent la conversation. D’autres encore reconstruisent un parcours à partir d’un échange libre. La compétence-clé, ce n’est plus (seulement) d’intégrer des outils. C’est de comprendre leurs logiques internes et de ne pas se laisser happer par le marketing des fournisseurs, souvent plus rapide que notre propre acculturation. Il est donc urgent de ralentir, d’observer, d’explorer sans céder à l’agitation technologique.
Vers une formation qui s’adapte comme un GPS… Demain (et déjà aujourd’hui, chez certains), la formation ne sera plus un parcours fixe, mais un flux dynamique. Ce ne sera plus un module lancé à la volée, mais une expérience continue, alimentée par les données (IA prédictive), ajustée au contexte (IA adaptative), incarnée par un agent intelligent (agent conversationnel + moteur décisionnel). Pas un robot qui remplace, mais une IA qui complète, qui observe, qui corrige à la volée. Cette promesse d’ultra-réactivité et de personnalisation ouvre des perspectives enthousiasmantes, mais oblige aussi à repenser nos repères : qu’est-ce qu’une compétence ? Une évaluation ? Une réussite ? L’IA ne répond pas à ces questions. Elle les rend plus visibles. Et plus urgentes à traiter.
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