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Producteurs de contenus "Learning" et auteurs compositeurs : même combat ?
26 JUIN 2025 / pratiques / ia
Michel Diaz
directeur de la rédaction
e-learning letter
Dans la musique, une chanson sur cinq quotidiennement mises en ligne est générée par une IA. Dans la formation ? Aucun chiffre, aucun suivi, aucun débat structuré. Pourtant, les IA sont déjà dans la place, rédigeant, scénarisant, synthétisant à la volée des modules entiers. Au point parfois qu’on ne sait plus vraiment qui est l’auteur. Ni qui doit être payé. À l’image des majors du disque qui haussent le ton, le secteur du digital learning devra lui aussi affronter ces zones grises qui menacent l’économie de la création.

Une production massivement assistée, souvent directement générée

Au sein des services formation, peu l’admettent publiquement, mais beaucoup le pratiquent : l’IA s’est largement installée dans le processus de création des contenus. De l’assistance à la reformulation ou à la création de scripts, de visuels, de quiz, voire d’animations entières, les générateurs de contenus (GPT, Copilot, Synthesia, Heygen, D-ID…) commencent à tenir le haut du pavé. Il ne s’agit plus de les « tester » mais bien d’en faire des auxiliaires réguliers dans la production des modules internes comme des formations diffusées sur étagère. Le problème n’est pas tant leur présence que leur puissance. Ils font surgir des contenus en quelques minutes là où plusieurs jours étaient nécessaires. La valeur ajoutée du concepteur humain devient difficile à isoler, sinon à défendre. Le brouillage est réel : d’un côté, on dispose d’un pot commun immense – tout l’Internet – dans lequel l’IA puise pour produire ses réponses ; de l’autre, des concepteurs, sans toujours le savoir, réinjectent dans leurs modules des formulations standardisées issues d’une mémoire collective algorithmique. Où commence la création ? Où finit la reprise ? Le phénomène dépasse la simple assistance : il s’agit d’une dilution de l’auteur, d’une fragmentation du geste pédagogique.

La formation, aveugle face à l’emprise de l’IA générative

Le contraste avec l’industrie musicale est saisissant. Là où Deezer affiche un taux précis de morceaux générés par IA, où la Sacem mesure, chiffre et trace, le monde de la formation reste muet. Selon Alexis Lanternier, directeur général de Deezer, « 18 % des nouveaux titres qui arrivent chaque jour sont créés par l’IA, soit plus de 20 000 titres sur les 150 000 versés chaque jour » (Source : Le Point, 13 mai 2025). Ce niveau de transparence ne possède pas d'équivalent dans l’univers du digital learning. Aucun chiffre, aucun indicateur, aucun rapport de branche ne permet aujourd’hui de savoir quelle part des modules en circulation est issue d’une production algorithmique. Pas plus qu’on ne sait combien de minutes de formation sont générées chaque jour par les IA en entreprise ou chez les éditeurs. Ce silence statistique n’est pas anodin. Il entretient l’illusion d’un statu quo, d’une normalité dans la production pédagogique. Il laisse penser que les contenus diffusés aujourd’hui obéissent aux mêmes règles d’élaboration, de propriété intellectuelle, de validation que ceux d’hier. Or, il n’en est rien. Le paradoxe est cruel : plus l’IA est utilisée, moins sa trace est visible. Contrairement à la musique, où l’on peut encore traquer un fichier audio, un extrait mélodique, une voix synthétique, la pédagogie générative est une production volatile, recomposée à chaque prompt, jamais tout à fait la même, jamais pleinement différente.

Le retour en force de la question des droits

Derrière l’apparente efficacité de l’IA générative se cache une question que l’on croyait réglée : celle de la propriété des contenus. Dans la formation, cette question ressurgit avec une nouvelle acuité, car les cas de figure se multiplient. Un expert interne produit un module avec l’aide de ChatGPT. Un concepteur indépendant assemble un microlearning en recyclant des contenus générés par une IA, elle-même entraînée sur des contenus existants. Un éditeur propose à ses clients un catalogue de capsules conçues à l’aide de générateurs de scénarios, de voix, d’avatars. Dans ces trois cas, qui est propriétaire ? Surtout, qui peut être rémunéré ? Dans la musique, les lignes se durcissent. Suno et Udio, deux services de génération de musique par IA, sont poursuivis par Universal, Sony et Warner pour avoir entraîné leurs modèles sur des catalogues protégés. La Sacem, de son côté, applique une stratégie d’opt-out et refuse que ses œuvres servent à entraîner les IA sans accord préalable. Des outils de détection sont développés pour identifier les contenus 100 % IA et leur appliquer un traitement différencié. Dans la formation, aucune de ces mesures n’est aujourd’hui en vigueur. Ni les éditeurs ni les plateformes LMS ne proposent de filtre ou d’indicateur permettant d’identifier ce qui a été généré par IA. Rares sont les prestataires ou les entreprises clientes qui se préoccupent de ces questions dans les appels d’offres. Pourtant, il y a urgence. Parce que si l’on ne clarifie pas les règles de production et de propriété, ce sont les concepteurs eux-mêmes – auteurs invisibles – qui risquent d’être désintermédiés. Plus grave encore : c’est l’ensemble du secteur de la formation qui pourrait perdre en légitimité, s’il ne peut plus garantir l’origine, l’expertise et la fiabilité de ses contenus.

Agir : contractualiser, tracer, labelliser

Le temps n’est plus à la contemplation. Plusieurs actions peuvent être mises en œuvre dès maintenant, sans attendre un hypothétique cadre légal. La première consiste à contractualiser précisément les conditions de production, y compris dans les contextes internes. Quand un expert produit un contenu avec l’aide d’une IA, cela doit être spécifié. Quand un prestataire propose des modules, la part d’IA utilisée dans leur création doit être documentée. Ce n’est pas une contrainte, c’est une exigence de transparence. Ensuite, il faut tracer. Ce que fait Deezer dans la musique, les éditeurs LMS ou les plateformes d’édition pourraient le faire dans la formation. La création de métadonnées renseignant l’origine des textes, des voix, des scénarios objectiverait les pratiques et permettrait de construire une mémoire de production. Enfin, il faudra sans doute labelliser. À l’instar de certaines démarches qualité, un label pourrait certifier qu’un contenu a été conçu selon des règles éthiques claires, avec la mention de l’IA, la validation humaine et le respect des droits d’auteur. Ce label pourrait être porté par une instance professionnelle ou par une coalition d’acteurs, à condition qu’elle se montre réellement indépendante. À défaut, c’est une logique inverse qui s’imposera : celle du soupçon généralisé, du contenu low cost, de l’expertise fantôme. Dans ce monde-là, ni les formateurs ni les apprenants n’auront à y gagner.

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