Parmi les chiffres records que Cornerstone vient de nouveau d'annoncer pour son dernier exercice, lesquels vous semblent les plus significatifs ?

Vincent Belliveau : Deux chiffres me semblent particulièrement importants : d’une part le chiffre d’affaire, de presque 340 M$, et d’autre part la croissance du chiffre d’affaires, de 29%. Ce taux de croissance pour un tel revenu est tout à fait remarquable. Je souhaite aussi mettre en avant une autre donnée : Cornerstone a généré sur la seule année 2015 plus de 30 M$ de liquidités ! Ceci est réellement impressionnant : nous générons nous-mêmes notre trésorerie qui est largement positive, et c’est pour cela que nous avons annoncé aux investisseurs que nous prévoyons être bénéficiaires cette année sur le plan comptable.

Combien pèse le marché des "talent management systems" et quelle est la part de Cornerstone ?

Vincent Belliveau : Il est difficile de donner une évaluation du marché total de la gestion des talents, notamment parce que sa définition varie d’un éditeur à l’autre ! Je m’en référerai donc à l’analyste Josh Bersin (Deloitte) qui annonçait en 2014 un marché de 5 milliards $ pour la gestion des talents et le double pour la gestion du capital humain. L’an dernier, il prévoyait un marché de 15 milliards $ pour la gestion du capital humain en 2018. Je ne m’engagerai pas sur la part de marché de Cornerstone, mais il est évident, pour nous, que nous visons la première place dans l’ensemble des pays où nous sommes actifs !

Comment a évolué le marché français ?

Vincent Belliveau : Le marché français est pour nous stratégique puisque c’est notre 3ème marché mondial, et le 1er non-anglophone. Par conséquent, les initiatives que nous prenons en France sont souvent pionnières par rapport aux autres pays. On pourrait dire que c’est par le marché français que Cornerstone est vraiment devenu international ! Aujourd’hui, notre plateforme est disponible en 42 langues, ce qui est un effort absolument unique sur notre marché : pensez à toutes les mises à jour linguistiques nécessaires lors de chacune de nos mises à jour trimestrielles ! Il n’est pas étonnant que certains concurrents ne fassent que 2 mises à jour par an au lieu de 4 pour nous ! La France est très mature dans le domaine de la formation, pour lequel les contraintes et changements administratifs ont renforcé le besoin en outils performants. Je dirais qu’elle est dans la moyenne européenne dans le domaine des "talents" (dans lequel on inclut souvent l’évaluation), qui est pour nous étroitement lié à la formation et au développement des talents. Quant au recrutement, nous pensons que d’autres marchés sont peut-être plus en avance. À titre d’exemple, Cornerstone a fortement investi dans le module recrutement, notamment pour répondre aux besoins de clients en Europe centrale et en Scandinavie, qui étaient beaucoup plus prescripteurs et innovants que dans d’autres territoires. Nos collègues américains trouvent d’ailleurs que les Européens ont vraiment beaucoup d’idées !

Avez-vous constaté des modifications dans la demande des DRH ?

Vincent Belliveau : La grande tendance que nous observons, c'est le choix d’une solution "best of suite". Les DRH et DSI ne veulent plus une dizaine de prestataires RH mais ils savent qu’un seul prestataire ne saura pas tout faire bien, du recrutement à la paye et de la formation à la gestion des temps. Les systèmes RH sont donc analysés en fonction de catégories principales : administratif, talents, et gestion des temps. Cornerstone se positionne en expert de la gestion des talents et des données des collaborateurs. Pour le reste, nous travaillons en étroite collaboration avec des partenaires (ADP, Kronos, etc.) ou nous interfaçons au besoin avec les solutions en place chez nos clients.

Dans le domaine de la formation, on voit apparaître des plateformes qui se réclament d’une nouvelle approche, plus digitale, avec parfois la remise en cause du périmètre fonctionnel voire du “mindset” LMS… Cornerstone est-il menacé par cette nouvelle concurrence ?

Vincent Belliveau : Le marché de la formation évolue à grande vitesse depuis de nombreuses années. Nous avons historiquement su évoluer avec le lui (souvent en étant en fait les précurseurs) et nous investissons continuellement en veille et en développement pour continuer à répondre à un large panel de besoins, plus traditionnels ou plus modernes - ou digitaux. C’est ainsi par exemple que lors des dernières mises à jour nous avons fortement développé les fonctionnalités sociales de notre plateforme, y compris la possibilité pour les apprenants de créer du contenu par eux-mêmes et de développer les échanges et commentaires interactifs sur chaque objet de formation, ainsi que les communautés d’apprenants et d’experts. Nous avons aussi revu notre application mobile pour en développer l’usage. Nous intégrons par ailleurs l’apprentissage via vidéo au sein de notre plateforme. Je pourrais donner de nombreux autres exemples mais en voici un qui est particulièrement clé : nous sommes les seuls à pouvoir proposer de l’analytique prédictif sur la formation, en nous appuyant sur nos algorithmes issus de 8 ans de R&D, de 16 ans de données provenant désormais de 24 millions d’utilisateurs. Les tableaux de bord prédictifs que nous mettons à disposition de nos clients permettent de prendre des décisions opérationnelles pour la formation et d’en anticiper les résultats pour une efficacité immédiate.

Justement, l’intégration d’Evolv, l'éditeur spécialisé dans l'Analytics, acquis par Cornerstone, a-t-elle débouché sur une offre déjà opérationnelle ?

Vincent Belliveau : Tout à fait. Je viens d’y faire allusion dans le domaine de la formation, mais nous avons déjà développé de nombreux tableaux de bord disponibles pour nos clients. Lors des prochaines mises à jour trimestrielles, nous continuerons à accroître la palette des processus ainsi analysés : recrutement et mobilité suivront dès le mois d’avril par exemple. L’important est que nous disposons réellement de "big" data pour cette offre avec nos 24 millions d’utilisateurs et que les analyses que nous effectuons se font sur des données anonymisées et prennent donc en compte la confidentialité et la protection des données des utilisateurs. J’engage tous les DRH qui se voient proposer du "big data" de faire attention à ce point qui est souvent négligé.

Propos recueillis par Michel Diaz