Un dispositif qui déclenche une discussion à bâtons rompus illustrant à merveille les débats que l’usage du numérique peut engendrer chez les professionnels de formation : opportunités et limites de ces technologies, excitation de la nouveauté, appréhension des formateurs quant à leur avenir et à leur capacité d’intégrer le numérique, incertitudes sur les intentions du leadership de l’organisation, volonté d’éviter la seule finalité de réduction des coûts… Un verbatim, et commentaires.
 
« Cette solution est très facile d’accès »…

L’appropriation du numérique suppose en effet que l’outil soit “plug and play”, qu’il fonctionne sans anicroches, sauf à décourager d’entrée la plupart des apprenants et des formateurs. Le modèle de référence étant le cours en face à face (sauf peut-être pour les générations les plus récentes), le numérique doit apporter un avantage sans quoi le réflexe naturel sera de vouloir retourner dans sa zone de confort (« c’était mieux avant »), ce qui traduit une inquiétude des formateurs face au changement, déjà observée avec le eLearning. Un tableau numérique récalcitrant dans une classe ? Le formateur le délaissera jusqu’à nouvel ordre. Une séquence audio ou vidéo de mauvaise qualité dans une session virtuelle ? Les apprenants décrochent, ils en profitent pour répondre à leurs emails tandis que le formateur fait sa présentation en aveugle de l’autre côté de l’écran ! Résultat : la réputation du service formation est ternie, les formateurs sous tension et le taux de transfert de la connaissance quasi nul.
 
« On est sur cette réunion virtuelle depuis 45 minutes et il n’y a aucun plantage »…

L’environnement externe - c’est-à-dire tout ce qui, en dehors de la solution technique elle-même ou du formateur, lui permettra de bien fonctionner  ou du formateur - revêt une importance considérable dans l’appropriation de la solution par les apprenants et le formateur. Cet environnement va par exemple de la connexion internet à la formation des formateurs, en passant par la culture spécifique de l’entreprise considérée. Une connexion internet sous-dimensionnée, des échec de connexions à répétition au LMS hébergeant des contenus de formation ? On n’y reprendra pas les apprenants à deux fois. Dans un tout autre ordre d’idée, la pyramide des âges doit être prise en compte dans cet environnement externe : plus jeune, elle facilitera la mise en place et l’utilisation effective d’outils numériques collaboratifs par exemple.
 
« Je peux voir tout le monde en qualité HD »… 

Les formateurs ont la même exigence de qualité vis-à-vis des outils numériques en entreprise qu’à la maison. L’expérience d’utilisation dans la sphère privée déborde dans le champ professionnel. Une connexion qui « rame » : le stress du formateur s’invite dans sa relation avec l’apprenant. Autre exemple : la gamification des modules eLearning peut pâtir de la comparaison avec les loisirs vidéos : difficile d’y engager les gamers (joueurs/joueuses de jeux vidéos) parmi les apprenants, alors que la gamification visait ce but !
 
« Y a-t-il une App ? »…

L’irruption, dans la salle de cours, de technologies que le formateur ne maîtrise pas toujours et qui l’obligent à composer avec de nouveaux interlocuteurs, provoquent chez lui un surcroît de d’appréhension compréhensible. En particulier le formateur doit composer avec ses collègues de l’IT dont il ne parle pas toujours la langue, et qui peuvent lui imposer des contraintes auxquelles il n’était pas habitué… Implémenter le numérique dans un programme de formation n’est jamais anodin ! Cette perspective réclame une nouvelle posture des formateurs, d’autant plus que l’apprentissage est de plus en plus collaboratif et le savoir partagé entre les apprenants (crowdsourcing de la connaissance) : s’il peut rester sous certains angles passeur vertical de connaissance, le formateur devient aussi organisateur horizontal du partage de cette connaissance.

À suivre…