2015 a vu l’entrée en application de la Réforme de la formation professionnelle…

Alexis Hluszko : 2015 est une année de transition caractérisée par la sortie progressive du système de la formation professionnelle de ces vingt dernières années pour rentrer progressivement dans celui de la loi de mars 2014 : passage d’une obligation de dépenser à celle de former et d’évaluer les apports de la formation dans un système global intégrant les questions de compétences, d’évolution professionnelle et l’employabilité (entretien professionnel, CPF…).  Le nouveau schéma, qui n’est pas encore tout à fait complet, ne s’appliquera pleinement que courant 2016 avec à mon sens une effectivité en 2017, le temps que tous les cadrages puissent opérer, avec peut-être des adaptations de certains aspects très normatifs voire corsetant de la Loi de 2014 (éligibilité, listes…). 

La Réforme débouche sur une transformation qui va bien au-delà du seul champ de la formation, car elle  embarque les compétences, l’employabilité, les moyens budgétaires, la responsabilité pour l’employeur et le salarié. Tous les acteurs, dans et hors l'entreprise, doivent revoir leurs activités de fond en comble, de la conception à la diffusion et à la gestion administrative et financière de la formation… Alors que le nouveau système est loin d'être stabilisé et définitif : on peut regretter que ses impacts prévisibles n’aient pas été plus anticipés et partagés en amont avec les parties prenantes - associations et fédérations professionnelles, organismes, OPCA… -, ce qui aurait probablement évité certains des à-coups rencontrés en 2015. 

Je reste cependant positif, car une impulsion a été donnée, notamment avec l’éligibilité du digital. L’horizon de la fonction formation s'ouvre : nous devons remettre à plat nos logiques d’action et nos responsabilités dans l’entreprise, en visant un positionnement stratégique plus fort, une rélle volonté d’innover et de «marketer» nos missions et notre plus-value dans le développement du capital humain. 

Vous mentionnez la montée en puissance du Digital Learning… 

Alexis Hluszko : C’est un constat que nous partageons pleinement, dans toutes les entreprises, et dans les plus grandes en particulier. Dans notre récent baromètre GARF, 63% des adhérents sondés précisent que leur entreprise promeut le développement du digital, le développement du multimodal et 20 % déclarent développer une université digitale. Le contexte, les attentes, les moyens de l’entreprise, la disponibilité des salariés ainsi que la souplesse des outils du digital permettent de développer la multi-modalité, même si le digital n’a pas vocation à remplacer totalement le présentiel. On sait que la réussite du multi-modal nécessitera l’investissement des métiers dans le digital et les formations mixtes : parcours, blended learning, contenus, vidéo, podcast…

Le GARF et ses 25 groupes, en Ile de France et en région, soutiennent ces démarches par des chantiers visant à mutualiser les innovations et pratiques ; par la création de groupes «digital GARF» dès le début 2016 ; des échanges avec les pouvoirs publics, la FFP, etc. sur les attentes des adhérents en matière de prestations intégrant toujours plus de digital. Enfin, notre association est en train de réformer son mode de fonctionnement pour renforcer la mutualisation des productions via la création d’un portail GARF qui sera ouvert ce printemps et facilitera la diffusion des contenus et les échanges de pratiques à grande échelle. 

Des tendances qui touchent à la nature de la fonction formation ?

Alexis Hluszko : La fonction formation englobant progressivement le développement des compétences… C'est une tendance déjà bien ancrée, puisque les appareils formation ont déjà intégré les outils et processus GPEC, ce qui conforte l’implication de la formation dans la stratégie d’entreprise… Quelques chiffres : la gestion des compétences est assurée par les organisations formation dans 50% des entreprises ; 88% font remonter les besoins de formation par les entretiens annuels et 60% ont une communication dédiée à leur politique formation et développement des compétences ; 25% présentent un plan de formation pluriannuel. Cette tendance s’appuie aussi sur la logique de Loi de mars 2014. Nos métiers qui gardent le volet opérationnel de la formation intègrent bien de plus en plus le développement RH, les SI devenant transversaux et intégrés. 

Quelles sont les grandes tendances pour l’année 2016 ?

Alexis Hluszko : Plus d'intégration : transmission des compétences, intergénérationnel, formateurs internes, marque employeur, accompagnement du management, avec notamment la mobilisation des opportunités du digital et le développement des réponses multi-modales, plus individualisées et plus proches des salariés qu’on voit s’engager par ailleurs de façon croissante dans leurs apprentissages. Nos réponses doivent les servir au mieux : tutorat, formateur interne, reverse mentoring, co-développement et co-construction des stratégies d’apprentissage… Des réponses moins descendantes, les directeurs de la formation devenant des architectes de l’apprentissage et du développement des salariés, agrégeant des ressources très diversifiées, dont certaines sont accessibles au salarié et reconnues, hors prescription de l’entreprise (MOOC, SPOC, conférences…) alors que paradoxalement le législateur a accentué la responsabilité de l’employeur, il y a là un sujet « cohérence » pour les années à venir !

Quel est le bilan d’activité du GARF en cette fin 2015 ?

Alexis Hluszko : Le GARF a été présent tout au long de l’année auprès des pouvoirs publics, des parties prenantes de la formation et de la RH et aussi de la presse via des groupes de travail, des participations à des colloques, en France et à l’étranger, des publications, jouant son rôle d’influence en tant qu’association professionnelle du secteur. Depuis septembre l’association possède avec Claire Gaillard une nouvelle Déléguée générale qui anime le travail quotidien. Nous avons réalisé et publié le Baromètre Formation du GARF en septembre dernier dont les résultats seront annuellement actualisés et enrichis.  Nous avons aussi lancé la refonte de notre site qui deviendra un portail au printemps 2016. En 2016, les prochains entretiens de la formation professionnelle auront lieu le 15 mars 2016 à la Bibliothèque Nationale de France F. Mitterrand ; ils traiteront des transformations métiers et missions des fonctions des responsables formation dans l’entreprise à travers trois volets : stratégie, Innovation digitale, marketing.  L’association continuera de se développer avec la création de plusieurs groupes en région et à Paris, et aussi d’un Comité d’Orientations et de Prospective pour enrichir le champ de nos réflexions. Une belle feuille de route en prévision !

Propos recueillis par Michel Diaz