L’IA s’impose dans les entreprises françaises. Mais si 87 % d’entre elles en font une priorité de formation, plus de la moitié des salariés n’ont encore reçu aucun contenu pour s’y acculturer. Retour sur un webinaire qui a mis les pendules à l’heure, sans faux-semblants, ni solution miracle, avec Clément Meslin (CEO Edflex) en chef de file lucide et combatif.
Une adoption fulgurante mais la formation des salariés ne suit pas
L’intelligence artificielle s’infiltre dans le quotidien des entreprises françaises à un rythme inégalé. C’est l’un des constats majeurs du baromètre sur l'IA dans les entreprises françaises présenté lors du webinaire coanimé par Clément Meslin (Edflex) et Michel Diaz (Féfaur, e-learning Letter). « 87 % des entreprises en font aujourd’hui un projet de formation prioritaire. C’est du jamais vu, même pour la transformation numérique ou la RSE », affirme Clément Meslin. Cette bascule spectaculaire s’explique par la diffusion massive des IA génératives, devenues accessibles, concrètes, souvent impressionnantes. Pourtant, la mise en œuvre ne suit pas toujours : seules 10 % des entreprises se disent matures sur le sujet, tandis que 57 % des salariés déclarent n’avoir reçu aucune formation. « On est devant une innovation de rupture comme on n’en a pas vu depuis longtemps. Et la formation n’a pas le luxe d’attendre que tout se stabilise », souligne Michel Diaz. L’écart entre l’adoption technologique et la structuration pédagogique s’élargit. L’urgence est bien réelle, mais les réponses sont encore trop dispersées.
Des freins identifiés, mais souvent surmontables
Le manque de temps, d’accompagnement, de budget… Les freins à la formation à l’IA sont bien connus, mais ils ne sont plus des excuses. « On entend : ‘il faut qu’on réfléchisse à une stratégie’, mais pendant ce temps-là, les collaborateurs se débrouillent seuls, souvent avec les mauvais contenus », souligne Clément Meslin. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 53 % des répondants (salariés et responsables formation) citent un manque de temps, 39 % un manque de budget. Plus préoccupant : 13 % des entreprises expriment un rejet clair de l’IA. « Former à l’IA ne nécessite pas forcément une usine à gaz. On peut commencer petit, avec une acculturation basique, et ajuster ensuite. Ce qui compte, c’est de ne pas laisser le terrain vide », défend Clément Meslin. Le refus de commencer tant que tout n’est pas balisé bloque l’action. « Il faut que la formation cesse d’attendre la validation d’un cahier des charges parfait pour initier le mouvement », martèle Michel Diaz. L’objectif immédiat est clair : développer un socle commun, même imparfait, pour enclencher une dynamique d’appropriation.
La fonction formation au centre du jeu
L’irruption de l’IA remet la fonction formation sous les projecteurs. « Trop longtemps considérée comme une fonction support, elle revient au cœur de la stratégie. Car former à l’IA, c’est former à la transformation de l’entreprise », explique Clément Meslin. Pour lui, l’impact de l’IA sur les métiers est tel que l’apprentissage devient une activité continue. La formation à l’IA n’est pas une mode, c’est un levier de compétitivité. « On commence à voir des entreprises évaluer leurs collaborateurs sur la vitesse d’adoption de l’IA. Chez L’Oréal, par exemple, on parle d’hypervitesse : ceux qui s’emparent des outils sont mieux notés », raconte-t-il. C’est dans cette logique que les responsables formation doivent eux-mêmes se montrer exemplaires. Concevoir, produire, piloter la formation : tous ces rôles sont désormais bousculés par l’intelligence artificielle. « La fonction formation est désormais à l’avant-poste. Ce sont ses décisions, ses choix pédagogiques, ses arbitrages qui vont conditionner la capacité de l’entreprise à tirer parti de l’IA », souligne Michel Diaz. Une responsabilisation nouvelle, mais aussi une opportunité rare de faire valoir son rôle structurant.
Vers une formation intégrée aux plans de transformation
Certaines entreprises ont déjà pris le virage. EDF, Schneider Electric, L’Oréal... des pionniers qui construisent des stratégies cohérentes autour de l’IA. « On ne parle plus de plan de formation annuel, mais de roadmap révisée tous les trimestres. L’IA devient un fil rouge, pas un module à cocher », affirme Clément Meslin. Ce changement de paradigme implique une révision du modèle budgétaire. L’investissement ne peut plus être dilué dans les lignes classiques du plan formation. « Former massivement à l’IA avec un budget constant, c’est une illusion. Il faut traiter ce sujet comme un projet de transformation à part entière », insiste-t-il. À ce jour, deux tiers des entreprises ciblent les managers et décideurs comme premiers bénéficiaires. Mais cette priorité budgétaire ne doit pas masquer un besoin plus large. « Les entreprises qui réussiront ne seront pas celles qui réservent l’IA à une élite, mais celles qui en font un levier collectif », affirme Clément Meslin. Pour cela, il faut structurer les parcours, identifier les outils à promouvoir et créer des communautés d’ambassadeurs. L’IA n’est pas un contenu de plus : c’est un bouleversement à orchestrer. Et ce bouleversement passera – ou non – par la formation.
Pour visualiser le replay du webinaire : IA en entreprise : l'incroyable course à la formation
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