Quand on parle de données de la formation, on pense essentiellement à celles que les apprenants produisent sans en avoir parfois conscience. Car le temps est terminé où ces données tenaient essentiellement dans la feuille d’évaluation renseignée par l’apprenant à l’issue du stage ; des métadonnées en fait - l’avis de l’apprenant sur la tenue des objectifs et la qualité de la formation - plutôt que des données touchant directement à l’apprentissage et aux connaissances acquises. Aujourd’hui, c’est en consommant des ressources pédagogiques en ligne (e-learning, fiches pratiques, vidéos, etc.) depuis son PC ou son smartphone, que l’apprenant produit des données. Autant dire, quasiment en permanence.

L’intégration par les données

Ces données ne sont plus seulement cantonnées à la formation… L’apprenant est d’abord un salarié (un talent), demandant à la formation de l’aider à s’intégrer plus rapidement dans l’entreprise, à travailler plus efficacement, à progresser dans son emploi, voire à nourrir indirectement des augmentations de rémunération variable. Partie prenante de tous ces domaines (onboarding, performance, mobilité, compensation, etc.), le salarié produit des données qui viennent compléter celles de la formation, au moins lorsque l’entreprise est équipé d’un Talent Management System.

On peut parler d’une intégration à venir de la formation et des processus RH (ou de gestion des personnes) par les données. Transformation des missions de la formation, du coup, car elle doit coller plus étroitement aux besoins et rythmes des métiers et des personnes ; transformation aussi de sa relation avec eux : l’analyse des données constituera le langage commun (des métiers, des personnes, de la formation) à partir duquel construire les nouvelles réponses de formation.

Nouvelles compétences de la formation

On voit qu’il s’agit pour la formation de se doter non seulement de compétences dans le domaine des données (algorithmie, interprétation des données, maîtrise des fonctionnalités LMS impliquées, droit des données), mais aussi dans ceux du management de la relation avec les métiers et les RH et de leurs KPI (Key Performance Indicators).

La transformation des métiers de la formation va plus loin encore, car il s’agit pour les designers de transformer aussi les offres en ligne, pour prendre en compte ce que les apprenants disent à travers leurs clics sur les ressources proposées : les activités pédagogiques qui marchent ou pas, les quiz auxquels on n’arrive pas à répondre, le temps réellement consommé pour terminer un module ou un parcours de formation (un temps qui n’est pas toujours celui initialement prévu par le designer…). Les portails de formation finiront par mettre en oeuvre des stratégies d’interface et de contenus, inspirées du Web Analytics et des Web media capables de tester en temps réel différentes pages d’accueil pour choisir celle qui répond le mieux aux attentes des lecteurs. On n’oubliera pas les contenus (vidéos, images, etc.) capturés par les experts sur le terrain : ces contenus sont un nouveau type de données qui débouchent sur une nouvelle fonction d’homologation et de curation pour la formation.

Les transformations qu’on vient d’évoquer emportent celle de tous les processus de la formation, qu’il devient urgent de réinventer.

Michel Diaz

Tribune initialement parue dans Formaguide