D’abord les enjeux de l’évaluation. Deux d’entre eux se détachent nettement : améliorer la qualité des offres et du dispositif de formation (75,9%) et s’assurer que formation et besoins en compétences sont bien alignés (69,8%) ; deux  enjeux étroitement liés, le second conditionnant logiquement l’amélioration des services offerts par le département formation. Au contraire l’optimisation des coûts de formation par une meilleure individualisation remporte peu de suffrages (25,9%) : les responsables formation ne croient pas que l’individualisation permette de réduire les coûts… On les comprend, bien que ce soit une des promesses canoniques du e-learning !

La Réforme de la formation professionnelle aura-t-elle un impact sur les pratiques d’évaluation ? Un impact important voire très important pour 58,7% des répondants. Pas de surprise : la disparition du 0,9% (plan de formation), qui devrait pousser les responsables formation à se doter d’outils d’évaluation pour mieux argumenter leur budget, comme l’avénement d’un CPF (Compte Personnel Formation) qui privilégie les formations qualifiantes ou certifiantes, sont passés par là. Mais c'est le développement du numérique qui aura le plus fort impart pour près de 4 entreprises sur 5 (impact important ou très important) ! Le lien entre numérique (par exemple sous la forme e-learning) et évaluation n’est pas nouveau : ces deux-là se font la courte échelle depuis 15 ans ; la capacité du e-learning à faciliter l’évaluation de la formation n’est pas étrangère à son succès dans le monde professionnel ; quant à l’évaluation elle devient une des activités pédagogiques centrales offertes par les modules e-learning et autres MOOCs.

Autre point traité : les indicateurs figurant au tableau de bord de la formation montrent que la fonction a encore des progrès à faire. Notamment les indicateurs touchant à la qualité de la formation et à la satisfaction des apprenants sont très faiblement représentés (7,2%), malgré le poids de l’enjeu d’amélioration des offres et dispositif… Quelle feuille de route si l’on ne dispose pas de la boussole nécessaire ? Sur-représentation en revanche des indicateurs portant sur les efforts de formation (coût, volume d’heures, répartition entre les diverses populations de l’entreprise, absentéisme, etc.) : trace d’une conception traditionnelle du rôle de la formation, conditionné par la mise en conformité avec le réglementaire formation hexagonal. Bonne nouvelle cependant : 44,6% des tableaux de bord affichent des indicateurs portant sur l’impact de la formation.

Et Kirkpatrick dans tout ça ? Ce modèle qui existe depuis plus de 50 ans commence à être connu, mais loin d’être généralisé, sauf au premier niveau (satisfaction des apprenants ou réaction), quel que soit le domaine de formation concerné. Notons au passage que la feuille d’évaluation est massivement utilisée (94,2% des entreprises interrogées) suivies par le e-learning et des combinaisons qui permettent de parler de « blended evaluation » (Féfaur). Ceci dit l’absence d’indicateur de satisfaction dans le tableau de bord traduit un défaut d’exploitation des feuilles d’évaluation (non informatisées la plupart du temps). On s’attendait à ce que l’évaluation des connaissances à chaud soit moindre ? Elle reste élevée pour les domaines à fort enjeu : formations spécifiques métiers (63,3%) et plus encore formations réglementaires (65,5%) engageant la responsabilité de l’entreprise dont les salariés n’ont pas reçu les habilitations nécessaires pour exercer. Faible place pour l’évaluation du transfert des connaissances en situation de travail (sauf pour les formations managériales (43,2%). Enfin l’impact de la formation sur la performance est peu usité.   

Tout ceci s’éclaire par les freins rencontrés dans la mise en oeuvre de l’évaluation de la formation. Le principal, de loin, est l’insuffisante implication des acteurs (61,9%) pointés par les répondants, suivi par le manque de temps et de moyens du département formation (49,6%), et l’absence d’outils d’évaluation (41,7%). Justement à propos des outils, tir groupé autour de 40% pour les plateformes LMS, les générateurs de questionnaires et les outils auteur e-learning, sans doute parce qu’ils sont souvent imbriqués (certains LMS, par exemple, sont nativement dotés d’un générateur d’évaluation voire d’un outil auteur e-learning). Les plateformes d’évaluation spécifiques (Assessment Management Center) arrivent loin derrière, mais leur part de marché  (10,1%) est loin d’être ridicule. En revanche les plateformes unifiées de gestion de la formation et des talents sont très peu citées… Ennuyeux alors qu’on voit la formation nourrir toujours plus souvent les grands processus de la gestion des talents. 

Parmi d'autres résultats intéressants : seulement 26,6% des entreprises pratiquent toujours ou souvent l’évaluation préalable des connaissances du salarié qui fait une demande de formation. Quant à la négociation des indicateurs de réussite de la formation, entre les opérationnels et le département formation, elle n’intervient que dans 23% des cas : illustration d’un cloisonnement existant souvent encore entre la fonction formation-RH et les opérations), à moins que ce soit l’effet d’un choix : cette négociation vaut surtout pour des projets de formation à fort enjeu (il serait contre-productif de la généraliser aux demandes de moindre ampleur).

Finalement qu’en est-il des stratégies d’évaluation : si 8,7% seulement des répondants considèrent qu’ils ont déployé une véritable stratégie d’évaluation de la formation… Ils sont 79% à y penser sérieusement (47,8%) ou à être en cours d’élaboration de cette stratégie (31,2%) ! On ne saurait mieux dire combien ce chantier est perçu comme prioritaire !

Pour demander l'étude sur les pratiques d'évaluation de la formation

Michel Diaz