|
Avec Atlas, OpenAI ne se contente plus de doter le web d’une IA : elle fait disparaître la frontière entre navigation, recherche et apprentissage. Le navigateur devient un espace vivant où l’utilisateur agit, apprend, se corrige et progresse en temps réel. L’interface s’efface (best interface is no interface !) ; le contexte prend le pouvoir ; le savoir devient fluide (au moins, c'est l'idée…)
Best interface is no interface
OpenAI frappe fort. Après avoir bousculé la recherche, l’éditeur de ChatGPT s’attaque au navigateur lui-même. Atlas ne se contente pas de rivaliser avec Chrome : il le dépasse en intégrant directement l’assistance IA dans le geste même de naviguer. On n’ouvre plus un onglet pour chercher, on pose une question, on commente une page, on demande une reformulation. L’IA n’est plus un détour : elle est la voie directe. Le principe « the best interface is no interface » trouve ici son illustration. L’utilisateur s’adresse à l'outil ; l’outil le comprend. Dans les entreprises, cette mutation dépasse la technique. C’est une redéfinition de la relation homme-savoir. La médiation disparaît, et avec elle l’idée même de formation structurée. À mesure que l’interface s’efface, c’est tout le modèle de la conception pédagogique qui vacille : pourquoi concevoir des modules, quand la réponse se fabrique sur mesure, à la seconde, dans l’environnement de travail ?
Quand apprendre et travailler ne font plus qu’un
Atlas ne propose pas seulement un nouveau navigateur : il change la nature de l’activité. En intégrant ChatGPT dans chaque page, chaque document, chaque recherche, il abolit la distinction entre travail et apprentissage. L’utilisateur apprend en agissant, et agit en apprenant. C’est le retour de l’idée fondatrice du learning by doing, mais augmentée par l’intelligence artificielle. Dans les usines, dans les bureaux, dans les métiers du savoir comme dans ceux du geste, le modèle est le même : la contextualisation redevient la clé. Les responsables formation-RH qui parlaient hier d’« ancrage dans le réel » pourraient ainsi voir ce réel leur glisser entre les doigts, réinterprété en permanence par l’IA. Former ne consistera plus à préparer l’action, mais à accompagner l’action en train de se faire. Plus que jamais, travailler, c’est apprendre ; apprendre, c’est travailler. Atlas consacre cette fusion.
Le choc du contexte permanent
Ce qui distingue Atlas, ce n’est pas la vitesse ou le design, mais sa capacité à comprendre le contexte : les onglets ouverts, l’historique, les documents affichés. Il ne s’agit plus d’un moteur de recherche, mais d’un « moteur de situation ». L’IA ne se contente pas de répondre, elle sait où l’utilisateur se trouve, ce qu’il lit, ce qu’il tente de faire. Autrement dit, elle transforme la navigation en un environnement cognitif. Pour les entreprises, ce saut change tout. La formation sort définitivement de son silo. Les plateformes, LMS et catalogues de micro-learning paraîtront soudain figés face à cette fluidité. L’apprenant devient un acteur immergé dans son flux de travail, soutenu par un agent qui contextualise chaque geste. La compétence cesse d’être un stock : elle devient un flux. La fonction formation doit suivre ce mouvement, sous peine d’être marginalisée par les outils eux-mêmes.
Les intranets sont-ils en train de mourir sous nos yeux ?
Atlas ne menace pas seulement Google ; il menace les intranets d’entreprise. À quoi bon maintenir un portail de ressources internes, quand une IA connectée au web et aux bases documentaires internes sait répondre mieux, plus vite, et sans interface ? Les intranets, conçus comme des bibliothèques ordonnées, deviennent obsolètes face à une logique de dialogue permanent. Le modèle du moteur interne cède la place à celui de l’agent conversationnel global, capable de comprendre la culture maison autant que les sources externes. Mais cette mutation n’efface pas le rôle du service formation ; elle le transforme. Dans un environnement où chaque salarié dialogue avec une IA susceptible d’accéder à des données internes sensibles, le service formation devient le super-administrateur d’Atlas : il définit les accès, fixe les règles de partage, veille à la qualité et à la confidentialité des informations mobilisées par l’IA. C’est un nouveau territoire de responsabilité, entre pédagogie et cybersécurité. Former, demain, consistera autant à garantir la compétence des collaborateurs qu’à protéger la connaissance collective de l’entreprise. La question n’est plus « où se forme-t-on ? », mais « dans quel cadre sécurisé apprend-on ? ».
Vers une formation en disparition programmée ?
Atlas illustre une tendance irréversible : la formation ne sera plus un espace, mais un état. L’IA intégrée à la navigation, aux outils de productivité, aux échanges d’équipe, rend la compétence accessible à la demande. Ce glissement n’a rien d’anecdotique : il redistribue le pouvoir cognitif dans l’entreprise. Les directions formation devront apprendre à concevoir non plus des programmes, mais des écosystèmes d’assistance, à orchestrer des IA contextualisées plutôt qu’à produire des contenus. OpenAI, en attaquant Chrome, attaque aussi la logique de séparation entre travail et apprentissage, entre information et formation. L’interface s’efface, mais avec elle, c’est peut-être toute une fonction qu’il faut réinventer.
Sources : OpenAI, communiqué officiel sur Atlas, octobre 2025.
|