Un danger sérieux pour la formation en ligne (souvent relevé dans ces colonnes) : derrière l’avalanche de modules, trop de contenus creux, datés ou mal conçus, s’invitent dans les catalogues. Un coût invisible mais redoutable, qui se chiffre en heures perdues, budgets gaspillés, et, pire encore, en désorientation des collaborateurs. L’exemple de ChatEurope, ce nouveau chatbot qui ne s’appuie que sur des informations vérifiées, rappelle qu’une sélection rigoureuse et continue deviendra rapidement une condition de survie pour les professionnels de formation.
S’inspirer, pour la formation, de la vérification journalistique
ChatEurope est né d’une urgence : lutter contre la désinformation et apporter aux citoyens des réponses validées par des sources fiables. Concrètement, un collectif de médias a mis en commun des milliers d’articles validés, sur lesquels le chatbot fonde ses réponses. Résultat : des informations sourcées, vérifiées et protégées des manipulations. Transposée à la formation, cette logique équivaudrait à bâtir des “pools” de contenus validés par des experts métier, des institutions professionnelles ou des organismes certificateurs. Les entreprises pourraient alors déployer des chatbots pédagogiques ou des plateformes qui ne se nourrissent que de modules répondant à des standards de qualité définis collectivement. Autrement dit, importer dans la formation la rigueur éditoriale que le journalisme met au service de la lutte contre la désinformation. Une initiative possible pour l'EdTech française ?
L’impossible automatisation totale du contrôle
Peut-on imaginer qu'un seul dispositif technique seul puisse garantir la valeur de tous les contenus ? L’exemple de ChatEurope, qui repose sur l’association d’une technologie d’IA et d’une gouvernance éditoriale stricte, montre que la machine n’y suffit pas. Un algorithme peut analyser des critères de surface – longueur d’un module, taux de complétion, interactivité – mais pas sa pertinence pédagogique intrinsèque. Ce qui fait la différence, ce n’est pas la technologie seule, mais l’orchestration humaine derrière elle : des experts capables d’évaluer la qualité du savoir, son actualité et son adéquation aux objectifs de formation. Une DRH qui commande des modules sur mesure peut par exemple instaurer un comité mixte RH–opérationnels qui valide le scénario pédagogique avant diffusion, en exigeant un retour de terrain dès les premiers déploiements. À l’inverse, lorsqu’il s’agit de modules issus d’un catalogue externe, l’entreprise doit s’appuyer sur un processus de sélection exigeant : vérifier les sources des contenus, demander aux éditeurs leurs preuves d’actualisation, comparer avec les référentiels de compétences internes. Dans les deux cas, la vérification humaine reste l’élément central.
Vers une stratégie différenciée selon la provenance des modules
À défaut d’un dispositif miracle, la piste la plus réaliste est celle d’une certification progressive et continue. De la même manière que ChatEurope s’appuie sur une base de données alimentée et actualisée en permanence, les entreprises doivent instaurer un processus dynamique de validation des modules digitaux. Mais ce processus ne peut être identique pour tous les contenus. Pour les modules produits en interne, la clé réside dans la proximité avec les métiers : les experts internes doivent non seulement concevoir mais aussi évaluer régulièrement la pertinence des contenus par rapport aux évolutions opérationnelles. Certaines entreprises organisent déjà des “revues de formation” trimestrielles (revues qui pourraient s'établir dans le cadre d'un processus systématique de bilans de projet, dont on sait qu'il est encore relativement peu usité dans les services formation) où les managers donnent leur avis sur l’efficacité des modules sur mesure. La notion de base (sur laquelle est fondé ChatEurope) aura donc, ici aussi, son utilité.
Pour les catalogues externes, l’approche doit être différente : il s’agit d’un travail de curation continue, où l’équipe formation agit en véritable rédacteur en chef. Elle choisit, teste, actualise et élimine les modules qui ne répondent plus aux besoins (cette démarche emprunte en partie à celle d'EdFlex, qui s'est fait une spécialité de la curation de contenus de formation pertinents). On voit ainsi des grands groupes négocier avec leurs fournisseurs de contenus pour inclure des audits réguliers et des indicateurs de satisfaction apprenants dans leurs contrats. Dans le secteur bancaire, cela se traduit par exemple par la mise à jour permanente des modules de conformité ou de lutte anti-blanchiment, évalués par des juristes internes et comparés aux standards régulateurs ; dans le secteur de la santé, les hôpitaux intègrent systématiquement des praticiens dans les comités de validation afin de garantir que les contenus de formation répondent aux dernières recommandations médicales ; dans l’industrie, des usines imposent que tout module lié à la sécurité soit validé par le service HSE et testé en conditions réelles avant généralisation. La logique n’est donc pas celle du contrôle a priori, mais celle d’une maintenance permanente de la qualité : un module non actualisé, déconnecté des besoins ou peu efficace doit être sorti du catalogue aussi sûrement qu’un article non sourcé n’aurait pas sa place dans ChatEurope !
Pour aller plus loin : ChatEurope
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