Nicolas Hernandez (360Learning) : Le premier obstacle est la confusion entre la digitalisation des formations, et la digitalisation réelle, c’est-à-dire la digitalisation des pratiques. Il faut commencer par identifier les bonnes pratiques de la formation digitale, ces pratiques leans et agiles venues du web, et parvenir à les déployer. Aujourd’hui, cette démarche est embryonnaire, très peu proposent des méthodologies et les outils existants ont 15 ans, ils sont majoritairement inadaptés à la révolution digitale que nous vivons. Le deuxième obstacle, très lié au premier, est la capacité des départements formation à répondre au besoin de réactivité des business. Il faut former sur des cycles courts, répondre aux demandes toujours plus nombreuses, en quelques jours. Les coûts associés au déploiement d’une nouvelle formation doivent donc être nuls, sinon bien sûr, il devient difficile de répondre vite. Enfin le troisième obstacle est technologique : le décalage ergonomique entre le elearning et les pratiques quotidiennes sur le web est criante. Les vieux éditeurs qui dominent encore le marché devraient probablement reprendre leurs produits de zéro s’ils souhaitent survivre, mais évidemment c’est une décision difficile.

Pedro Montoya (Cornerstone OnDemand) : Le premier frein est technologique, en lien avec la diversité des générations actuellement au travail, et des profils plus ou moins réticents aux technologies. Le deuxième frein tient à la difficulté de mettre en évidence, en amont, un vrai retour sur investissement, faute de définition d'indicateurs RH en lien avec des indicateurs opérationnels. Le troisième frein est organisationnel, l'entreprise n'ayant pas toujours la flexibilité nécessaire, notamment sur la question temps de travail / temps de formation, alors que les mobiles et les tablettes permettent aujourd'hui de se former en continu, ces nouveaux terminaux permettant au passage de dépasser les réticences à l'utilisation de la technologique par les apprenants, et de prendre en compte cette fameuse « consumérisation » de l’entreprise consistant à offrir aux collaborateurs des outils professionnels aussi faciles d’utilisation que ceux qu’ils utilisent dans la vie privée. Le frein du ROI peut être contourné par des outils d'analyses "Big Data RH" tels que ceux de l'éditeur evolv que nous venons d'acquérir, et qui permettent aux RH d’élaborer leur "business case". Les  freins organisationnels sont aisément contournables… sous réserve d’avoir le soutien du management dans le projet !

Pierre Berthou (Futurskill Digital) : Premier frein : les résistances culturelles et humaines, car les changements de postures et d’organisation ne sont pas si simples. Viendrait ensuite l'obstacle des infrastructures informatiques et software, pas encore bien adaptées à la mobilité et aux usages collaboratifs. Et le défaut d'offres de formation : trop peu d’organismes ont réellement refondu leur offres pour prendre en compte les avancées du digital. Concernant les résistances au changement, on peut les résoudre par des politiques d’accompagnement pleinement intégrées aux projets. Mais il faut aller au-delà du seul accompagnement des personnes, notamment en promouvant ces nouveaux métiers de la formation en train d'apparaître dans les entreprises - concepteur pédagogique, tuteur e-learning, marketeur, administrateur de plate-forme, etc. Ceci dit, je constate souvent que les moyens alloués à cette conduite du changement sont fréquemment bien loin des ambitions affichées ! Pour nous, à Futurskill, la transformation vers la formation digitale doit d’abord être vue comme un projet stratégique porté par la direction et le directeur des ressources humaines. C’est là que réside la clé du succès.

Laurent Hayat (Telelangue) : Nombre de parties prenantes continuent de résister au changement du Digital Learning : appréhension de l’apprenant devenu responsable de ses apprentissages, réticence du manager qui voit d’un mauvais œil la rupture de tâche, frein du formateur inquiet de la disparition de certaines de ses activités, crainte du RH devant un déploiement jugé complexe, risqué, au ROI difficile à prouver. Face à ces freins, les offreurs de formation proposent des solutions d’accompagnement imbriquées au flux des projets de formation dans l’entreprise : analyse de l’existant et définition d'objectifs clairs, conception de solutions sur-mesure, proposition d'indicateurs de performance / résultat, services permettant d’alléger la gestion administrative et offrant une traçabilité permanente de la formation. C'est notre nouveau rôle : aider l'entreprise à repenser ses dispositifs de formation. Car si le Digital Learning crée de la valeur pédagogique, il ne se substitue aucunement au cours en face à face. La meilleure façon de contourner les freins précédents, c'est d'en passer par des formules de type blended learning qui permettent d'homogénéiser les parcours tout en offrant une solution individualisée aux apprenants. Une solution qui permet aussi au formateur de jouer pleinement son rôle, qui est de veiller à la transformation des connaissances en compétences, tout tout au long du parcours de formation accompli par l'apprenant. Une façon aussi de maintenir l'engagement de celui-cidans la durée.

Frédéric Leclerc (Saba) : On sait, d'après le modèle 70/20/10, que les dispositifs de formation structurés ne "produisent" que 10 % seulement des connaissances que les employés vont utiliser en situation de travail ; 20% provenant des apprentissages sociaux et 70 % du "learning by doing" (apprentissages sur le tas). Le frein au développement du Digital Learning, c'est selon nous le manque d'articulation entre la formation structurée et les 90(20+70)% représentés par les autres formes d'apprentissage. Autre frein, en lien avec le précédent, le défaut de prise en compte de ce phénomène : il existe plus d’appareils mobiles que d’humains sur la planète ! On comprend que la solution passe en partie par la mise en oeuvre de plateformes LMS capables de réconcilier tous les types d'apprentissage et de délivrer les ressources pédagogiques aussi bien sur PC que tu Smartphones et tablettes ; il faut aussi que les salariés puissent ainsi accéder et participer aux communautés en ligne, aux discussions et aux blogs. Les nouvelles solutions LMS doivent sortir de la logique de transaction qui prévaut encore trop souvent, pour apporter une expérience utilisateur gratifiante, pertinente et personnalisée reflétant le nouveau monde du travail.

20 novembre 2014, Féfaur : Réinventer votre stratégie de formation grâce au digital