La Formation numérique est résolument « orientée apprenants » : il s’agit que le salarié-apprenant se prenne en main, « se responsabilise »… Un redoutable obstacle au développement du e-learning, d’autant qu’il n’y a pas de recette miracle !
D’où part la formation ? D’elle-même : des contenus, du formateur… Rarement de l’apprenant, dont l’expression des besoins est le plus souvent survolée, et le style d’apprentissage occulté. La formation traditionnelle dialogue avec l’apprenant ? Certes : à l’issue du stage-événement, à travers la feuille d’évaluation où il peut marquer à la va-vite son contentement ou son insatisfaction. Du coup, le e-learning a tout d’une révolution copernicienne : si l’apprenant doit s’auto-former à son rythme (souvent toutefois dans le respect d’une date butoir), grâce à des ressources numériques accessibles depuis le LMS ou l’Intranet de l’entreprise, alors il est destiné aux premiers rôles… « Responsabilisation de l’apprenant », « engagement », « conduite du changement »… Il suffit de tendre l’oreille pour constater que les acteurs du e-learning, dans et hors l’entreprise, ont identifié cette difficulté comme un obstacle majeur à la réussite des nouveaux dispositifs ; pour constater aussi qu’à l’exception de quelques entreprises qui ont su brillamment changer de « learning culture », la réflexion n’est guère avancée. Affaire de culture, justement : nos dispositifs restent trop inspirés d’un modèle français d’éducation qui privilégie le programme et l’enseignant (le « sachant ») sur l’apprentissage collectif fondé sur la pratique et les études de cas. La question reste entière, 15 ans après l’apparition du e-learning : comment renforcer l’engagement de l’apprenant dans sa formation ?
La réponse ne saurait être unique… Un levier auquel on pense immédiatement : la qualité et la pertinence des ressources pédagogiques mises à disposition des salariés. Croyant bien faire, les départements formation ont tendance à s’égarer dans une surenchère graphique et scénaristique, disqualifiée par les usages et ergonomie du Web. Mieux vaut faire court (10 minutes semble devenu un grand maximum), se concentrer sur les 2 ou 3 messages clés à retenir et offrir d’éventuels compléments (pour les plus curieux) sous forme de liens annexes, varier les types de média sans oublier de faire de la place à la vidéo… Loin donc d’un e-learning traditionnel, dont on s’éloigne aussi par la dimension du catalogue : un patrimoine de quelques dizaines de modules e-learning ne convaincra plus longtemps des salariés habitués à l’infinitude des ressources numériques disponibles dans l’hypermarché global du Web.
Autre levier, celui de l’accessibilité : si le contenu, la ressource n’est pas disponible juste au moment où l’apprenant en a besoin, il y a peu de chance qu’il fréquente assidûment votre portail de formation. Disponibilité immédiate, en moins de 3 clics ! Au-delà, coup de fatigue… L’ergonomie du dispositif, ce n’est donc pas seulement celle des ressources numériques, prises séparément ; c’est aussi celle du portail de formation qui n’est au fond qu’un site Web parmi les autres, subissant du coup une féroce concurrence. Disponibilité enfin sur tous les terminaux de l’apprenant : PC, tablettes, Smartphones… Contrairement au pétard mouillé du serious game, les apprentissages mobiles sont forcément appelés au plus grand développement, sous le double patronage d’un parc mondialisé de quelques milliards de terminaux et des besoins d’apprentissage et de support à la performance « temps réel » des salariés-apprenants.
Troisième levier (d’une liste non exhaustive) : l’appartenance à une communauté d’apprenants. Les nouveaux apprentissages numériques ne peuvent, ne doivent être synonyme d’isolement. Consommant les services du portail de formation, le salarié souhaite avoir l’avis de ses pairs sur les ressources disponibles, pour mieux choisir, pour réagir à son tour, commenter voire créer des ressources - ce que permettent les nouveaux outils, avec par exemple la prise de vidéos sous Smartphone et leur diffusion sur un LMS social. Prolonger ces échanges, identifier les experts présents sur le réseau social de l’entreprise, leur poser des questions : c’est par là aussi (surtout) que le dispositif de formation sera « engageant » pour le salarié. Un chantier clé pour les responsables formation !
Michel Diaz
Tribune initialement parue dans Focus RH
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