Ce qui frappe en effet : ce vaste mouvement de transformation, certes moins rapide dans l'Hexagone que chez nos homologues, se réduirait donc dans nombre d'entreprises à la création d'un poste de chef de projet e-learning…
Pas facile d'être chef de projet e-learning… D'abord, même si tout salaire est actuellement bon à prendre, c'est plutôt mal payé… On trouve encore fréquemment des postes ouverts à 25 ou 30 K€ par an, quand ils ne sont pas tout bonnement proposés sous forme de stage, même s'il est vrai que des entreprises ont su investir dans des rémunérations plus proches de celles qu'on trouve dans d'autres secteurs d'activité.
Ensuite, on demande un peu tout et n'importe quoi au chef de projet e-learning… D'être stratège : élaborer une vision cohérente, opérationnelle, convaincante de ce que sera le dispositif de formation dans les prochaines années… Au moins contribuer fortement à cette vision. D'être conseil du business, ne serait-ce que pour circonscrire aussi longtemps que possible la fâcheuse tendance des opérationnels à vouloir s'affranchir de la formation dans la mise en œuvre des solutions e-learning. De conduire des projets : du choix et du paramétrage d'une plateforme aux demandes de parcours sur mesure émanant du business ou de sélection de "sur étagère" (dont sont par exemple particulièrement friandes les universités d'entreprise), en effet, les projets ne manquent pas. Casque, hache, grande échelle et sang-froid exigé : le chef de projet e-learning est tenu de jouer au pompier, un projet étant faits de petits incendies à éteindre avant que le brasier l'emporte, et avec lui l'avenir du e-learning dans l'entreprise. Le chef de projet e-learning, c'est aussi une "petite main" (ce n'est pas péjoratif) qui va administrer la plateforme au jour le jour ou convertir un Powerpoint en Flash par l'intermédiaire d'un outil de rapid learning…
C'est ce que disent plus ou moins clairement les offres d'emploi ; c'est aussi ce qui ressort des activités effectives du chef de projet e-learning. Encore ces éléments sont-ils loin d'épuiser cette sorte d'inventaire à la Prévert. Ce "job" étant une gageure, on ne s'étonnera pas des difficultés rencontrées à le pourvoir, guère plus du faible parti que les entreprises tirent du e-learning. Si cette polyvalence a du bon, en particulier dans les PME à réseau, elle cache surtout la difficulté des entreprises et des organismes de formation à penser la transformation de leurs dispositifs de formation : quelles sont leurs nouvelles missions-cibles, prenant en compte à la fois l'impact du numérique - Web et celui du nouveau contrat à inventer avec des opérationnels toujours plus exigeants et disposant à présent des outils de leur autonomie ? Quelles sont les compétences à développer pour supporter ces nouvelles missions ? Quels emplois à créer, développer, à partir d'un nouveau référentiel de compétences… Architecte blended learning, concepteur pédagogique, administrateur de la plateforme, consultant interne, concepteur de dispositif tutoral, animateur de classe virtuelle, tuteur, formateur, chef de projet "change", chef de projet e-learning…
C'est le plus savoureux (le cordonnier mal chaussé) : les départements formation, qui savent l'importance d'articuler leurs activités avec le développement des compétences de leurs clients internes ou externes, ne sont guère avancés sur leur propre référentiel de compétences…
Il est temps d'ouvrir le grand chantier des emplois de la formation induit par ces nouvelles approches : véritable exercice d'introspection et de prospective qui permettra d'éclairer les changements en cours, et la place que pourront y prendre des professionnels de la formation souvent déboussolés.
Michel Diaz
Première parution dans Formaguide
|
