Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde selon Albert Camus… Comment faire autrement quand les mots de la formation viennent parfois à manquer ?
"Digital Learning" : l'expression vient d'apparaître sur les radars du secteur de la formation… Après blended, hybrid, rich, mobile, social, integrated… tous venant qualifier le "learning".
Constat, d'évidence : la formation parle dorénavant anglais. D'abord parce que l'essentiel des innovations formation lancées ces dix dernières années - technologies, contenus, dispositifs, usages - viennent d'outre-Atlantique… Difficile de s'en attrister : affaire de marché, affaire de culture, une partie importante de l'énergie que les entreprises françaises consacrent à leur formation étant dissipée dans leur seule gestion administrative et réglementaire… Surtout, le mot "learning" est mal traduit par celui de formation : le premier met le salarié résolument au centre des activités de formation quand l'autre continue de donner la primauté aux formateurs et aux contenus.
Alors : apprentissage ? Une traduction qui pourrait convenir si le mot ne souffrait souvent encore d'une connotation négative, contrairement à la perception qu'en ont par exemple nos voisins allemands. Apprentissages convient mieux ; il est au reste de plus en plus utilisé… Il traduit qu'il n'y a pas aujourd'hui une seule façon d'apprendre, mais une multitude au contraire, "matchant" l'infinitude des attentes et des profils d'apprentissage avec tous les médias de formation existants.
Autre constat : on ne manque pas d'adjectifs pour qualifier les apprentissages… Ils sont mélangés (formation mixte), hybrides (plus précis : composés d'éléments de nature différentes), mobiles ou sociaux (aux périmètres un peu courts), intégrés… Intéressant ce dernier qualificatif : volonté de donner à ces nouveaux dispositifs une cohérence d'ensemble, volonté de faire sens… Positif, aussi, car le contraire de désintégré (franchement désastreux) !
Rich learning ? Difficile à utiliser : c'est une marque déposée par CSP Formation… On est là au coeur du sujet, qui nous ramène à Digital Learning : indépendamment du sens qu'elles peuvent avoir, ces façons de nommer constituent un enjeu marketing. Il s'agirait pour un fournisseur de préempter pour son produit, son offre, un nom qui puisse devenir une appellation générique (Frigidaire)… Il s'agirait par exemple que Digital Learning soit à la fois une marque déposée - nom de domaine, et la façon de désigner tout nouveau dispositif de formation intégrant du numérique d'où qu'il vienne.
Un peu de vigilance, donc… Sans trop s'inquiéter : tout n'est pas déposable ! Et les risques de confusion guère plus élevés que ceux d'approcher le nouveau monde avec des mots anciens.
Article initialement par dans Formaguide sous la signature de Michel Diaz
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