On peut avoir l’impression, ici ou là, que le blended learning serait une sorte de « stade avancé de la formation ». Il y a pourtant un écart certain entre la formation mixte première manière et celle qu’ont d’ores et déjà mise en œuvre les entreprises les plus avancées.
La formation mixte première manière, c’est celle que nous pouvons appeler « blended learning simplifié », et qui était - reste souvent encore - la voie principalement empruntée par les entreprises à la recherche du meilleur compromis entre e-learning et formation présentielle. En résumé, ce « schéma canonique blended learning » consiste en une formation présentielle dédiée au transfert de savoir-faire (jeux de rôles, études, de cas, etc.), précédée et suivie de modules e-learning permettant d’acquérir les connaissances et informations prérequises au bon suivi du présentiel (e-learning amont) et de compléter celui-ci par des piqûres de rappel, voire de nouvelles informations (e-learning aval).
Double avantage sur la formation traditionnelle : un stage allégé, d’une durée réduite, quand la durée initiale le permet (difficile, notamment pour des raisons d’organisation, de réduire un présentiel d’une journée), des ressources en ligne dans l’air du temps et permettant de jouer et rejouer des pans de sa formation en s’affranchissant des contraintes de temps et de lieu. Surtout, tout le monde s’y reconnaît : les apprenants pouvant s’appuyer sur le solide pilier du présentiel sans craindre d’être abandonnés à leur auto-formation ; les formateurs, rassurés : le e-learning ne va pas les remplacer puisqu’il intervient comme simple adjuvant d’une action de formation dont le cœur reste présentiel, l’animation, ce qui ressort du métier traditionnel du formateur.
Il n’aura cependant échappé à personne que ce blended learning simplifié dégrade sensiblement le modèle économique qui pousse les entreprises à investir dans le e-learning. Nous le disions : la modalité présentielle d’un tel dispositif ne peut souvent être réduite en durée que dans une faible mesure, compte tenu des limites déjà atteintes avec la baisse tendancielle des durées de stage depuis vingt ans. C’est une des raisons, essentielle, qui ont poussé à l’émergence d’un blended learning 100 % distanciel - ce qu’on trouve dans les catalogues de certains organismes de formation sous l’appellation de e-learning coaché ou tutoré, dès lors en effet que le tutorat s’exerce aussi à distance de façon asynchrone (email) ou synchrone (téléphone, voire classe virtuelle de lancement d’un parcours de formation en ligne). Si les apprenants finissent par trouver goût à ce type de dispositif, notamment parce qu’il apporte un accompagnement souple, portant sur l’essentiel, à travers des interactions de courte durée, il n’en va pas de même des formateurs dont le métier glisse doucement vers celui de e-tuteur…
Encore ce e-learning coaché n’est-il qu’une étape dans l’évolution vers ce qu’on pourrait qualifier de « blended learning étendu » qu’on voit se profiler sérieusement dans le paysage de la formation, avec l’intégration de nouvelles modalités d’apprentissages sociaux. Le salarié-apprenant mobilise de plus en plus souvent son réseau social d’entraide, d’experts internes ou externes à l’entreprise pour obtenir une réponse si possible immédiate à sa question. Le e-tuteur aurait tort d’y voir une mise en concurrence : son rôle, complexe, celui du nouveau formateur / tuteur, s’enrichit notablement, en particulier de la mise en œuvre et de l’animation d’un cadre organisationnel, technique, managérial permettant de fluidifier l’ensemble de ces échanges et d’améliorer sans cesse l’accessibilité des salariés aux savoirs vivants de l’entreprise.
Article initialement paru dans Formaguide sous la signature de Michel Diaz
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