La loi du 5 mars 2014 a rebattu les cartes de la formation professionnelle, notamment pour les entreprises. Son esprit modifie l’équilibre des forces passées avec une simplification des modes de financement par les entreprises et une plus grande responsabilisation de celles-ci pour la formation de ses salariés. Trois questions à Fouzi Fethi, expert en droit de la formation à Centre Inffo… La fin de la 2483, est-ce une bonne chose ?
Fouzi Fathi : Il est encore un peu tôt pour parler d’avantages ou d’inconvénients. Ce qui est sûr, la fin de la 2483 est un pari. Pour les optimistes, la fin du carcan de l’imputabilité permettra inévitablement plus d’innovation pédagogique avec une approche de la formation orientée «résultats» (adaptation au poste de travail, maintien de la capacité à occuper un emploi, GPEC…) plutôt que «moyens» (nombre d’heures, budget formation…). Les pessimistes quant à eux considèrent que la fin de la 2483 aura pour conséquence immédiate la réduction des budgets de formation et la fin d’une dynamique qui a permis de valoriser les services formation dans les organigrammes…Après tout, peut être que les deux ont raison. Cela pourrait se traduire par un «former mieux en dépensant moins !». J’en profite pour rappeler la date du 29 février, date-limite donnée aux entreprises pour verser la contribution de 1% à leur OPCA.
Autre date-butoir, celle du 7 mars, où tous les salariés présents dans l’entreprise avant l’entrée en vigueur de la loi de 2014 devront avoir être été reçus pour un entretien sur leurs perspectives d’évolution professionnelle… Un délai qui sera respecté, selon vous ?
Fouzi Fathi : Les remontées du terrain nous indiquent qu’il y a une prise de conscience de l’importance des entretiens professionnels. Néanmoins, cette année, beaucoup d’entreprises se contenteront de respecter leur «obligation de faire», sans pour autant respecter l’esprit de la loi. Rappelons qu’il s’agit avant tout d’un entretien qui porte sur les perspectives d’évolution professionnelle sans évoquer l’évaluation du travail du salarié. L’idée étant de construire l’entreprise de demain avec son salarié d’aujourd’hui. Cela nécessite donc de créer un dialogue entre les services RH, les manageurs et leurs collaborateurs. Or, à l’évidence toutes les entreprises ne sont pas encore outillées, et cela d’autant plus que ces nouvelles exigences se sont imposées dans un délai très serré.
Le site www.moncompteformation.gouv.fr est-il aujourd’hui pleinement opérationnel ?
Fouzi Fathi : A ce jour, 209 670 projets CPF ont été validés au titre d’un financement. C’est la preuve que ce site dématérialisé est opérationnel. Certes si les premiers mois ont connu un nombre limité de dossiers validés du fait de la mise en place du système d’information CPF, la tendance s’est fortement accélérée à partir de l’été pour connaître une véritable montée en puissance à la fin de l’année 2015. Mais à l’évidence, la technique doit encore être améliorée. Les accrochages (NDLR : les interfaces) qui permettent notamment une transmission d’information plus rapide et plus fiable, en évitant la double-saisie des dossiers par les agents opérateurs devraient être généralisés cette année. Aujourd’hui, 5 OPCA (UNIFORMATION, FAFSEA, AGEFOS PME, OPCALIA et OPCA DEFI) ainsi que le FONGECIF Rhône-Alpes (pilote pour l’accrochage de 10 autres régions), sont déjà accrochés. Tous les OPCA/OPACIF seront en principe en lien direct avec le système d'information CPF d’ici la fin du premier semestre 2016.
Les organismes de formation, enfin ?
Fouzi Fathi : Je l’ai dit par ailleurs : 2016 sera une année décisive pour les organismes de formation, avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017 du décret et de ses conséquences en matière de labellisation ou de certification. Il s’agit que les prestataires de formation se mettent en conformité avec les 7 critères «qualité» figurant dans le décret, notamment pour continuer à prétendre à des financements sur les fonds gérés par les OPCA.
Propos recueillis par Michel Diaz
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