L’enseignement supérieur n’a pas attendu les MOOC pour se faire une place dans la formation professionnelle continue ; la preuve avec les revenus souvent considérables (et méconnus) qu’en tirent les universités et les écoles qui ont su investir dans ce secteur. En mobilisant leurs atouts, qui sont réels : des enseignants-experts à la pointe de leur spécialisation, souvent chercheurs ou praticiens en entreprise (en particulier dans le champ des sciences humaines) ; des contenus de formation de haut niveau, structurés ; un lien étroit avec le tissu économique local notamment à travers les dispositifs de stages étudiants, lien conforté par les associations d’anciens élèves souvent cadres dans des entreprises consommatrices de formation.

Quelques freins subsistaient pourtant, qu’on voit progressivement se lever. Celui par exemple des salles de formation : pas toujours facile de faire venir des salariés pour un ou deux jours sur un campus parfois éloigné du centre ville et peu accessible par les transports en commun. Un ou deux jours… justement : l’adaptation d’un cours universitaire aux courtes durées de la formation continue n’était pas toujours bien prise en compte, ni l’adaptation à un public d’apprenants adultes dont les motivations et techniques d’apprentissage diffèrent souvent de celles des étudiants. Autre écueil, pas des moindres : le défaut de culture et de pratiques commerciales et marketing. Sauf quelques rares exceptions - en particulier certaines grandes écoles de commerce (HEC, ESSEC…) - l’enseignement supérieur ne savait pas toujours très bien comment construire, marketer et vendre les prestations de formation susceptibles de rencontrer le plus large public d’entreprises : quels outils pour faire connaître nos offres ? Le traditionnel catalogue papier ? Envoyé sur quelle base de contacts ? Par qui ? Faut-il se doter d’un service de vente par téléphone (appels sortants) ou se contenter de traiter les demandes (appels entrants) issues de quelques placards publicitaires dans la presse spécialisée ? Quant aux offres, comment s’assurer qu’elles répondent aux entreprises dont les besoins sont essentiellement de formation métier sur mesure ?

Les MOOC, traduction du Digital Learning dans le monde universitaire et maintenant aussi dans les entreprises, sont en train de changer la donne. La question de l’adaptation des cours est en voie d’être résolue grâce au séquencement que cette approche permet : des modules et des vidéos de courte durée que les établissements peuvent d’ores et déjà produire en mobilisant leurs ressources pédagogiques et matérielles existantes, ou à venir : 2016 pourrait être l’année des plateaux d’enregistrement son-vidéo dont nombre d’universités et d’écoles ont commencé à se doter (autonomie en vue). On notera au passage que la question des salles de formation perd de son acuité à mesure que la maturité distancielle des apprenants croît. L’approche MOOC présente bien d’autres avantages : la mise en avant de l’enseignant, animateur ou coach, à l’instar du présentiel mais en nette rupture avec l’auto-formation e-learning qui a cessé de convenir aux salariés ; ou le potentiel de «Social Learning» résidant dans les travaux de groupe… sans parler de l’évaluation par les pairs et autres badges qui font leur chemin dans les esprits. De quoi galvaniser, en effet, l’enseignement supérieur en quête de revenus dans la formation continue au moment où l’Etat chipote ses financements.

Quant à la culture marketing et commerciale, cette nouvelle concurrence apprend vite ! Aidée il est vrai par les outils du Web marketing qui permettent de cibler et de recruter nettement plus vite et facilement les clients de la formation continue. Aussi pour une raison qu’on n’a pas assez soulignée : c’est le salarié-apprenant qu’il faut aujourd’hui convaincre, avant même le responsable formation dont la prescription a perdu de son importance en même temps que l’information se libérait sur le Web. L’enseignement supérieur peut faire ici jeu égal avec l’offre de formation privée : tout aussi capable que les organismes de formation (ne serait-ce qu’en jouant de sa notoriété) de convaincre les apprenants d’aller vers ses offres de formation.

Michel Diaz