Le e-learning a quinze ans d'âge… Après un démarrage laborieux, il semble promis à franchir rapidement des effets de seuil qui vont profondément changer un paysage de la FPC où les professionnels de la formation devront trouver leur place…
Projecteur braqué, il y a quinze ans, sur les plateformes LMS (Learning Management System) dont le périmètre fonctionnel ne constituait alors qu'un petit noyau de celui des plateformes de gestion intégrée de la formation et des talents actuelles. Des plateformes dont le coût était considérable, souvent l'équivalent de centaines de milliers d'euros actuels, privés de contenus de formation… Echec assuré ! Il a fallu attendre des années pour que le e-learning soit de nouveau pris au sérieux.
Entre temps celui-ci a beaucoup évolué sous la double pression de l'offre et de la demande. Une offre largement conditionnée par l'émergence de nouvelles technologies, et plus encore par celle des nouveaux usages déjà mis en œuvre dans d'autres domaines : avènement de la vidéo, contenus rich media, format toujours plus court, accessibilité améliorée, ergonomie simplifiée, gamification, réseaux sociaux… Les fournisseurs anticipent sur cette demande des salariés et des entreprises : des ressources disponibles n'importe où n'importe quand depuis n'importe quel terminal (ordinateur, tablette, smartphone…), pour se former et être plus performant.
Le e-learning ne s'est pourtant pas imposé aussi vite qu'on aurait pu l'imaginer compte tenu de ses nombreux avantages, et alors qu'il constitue une excellente réponse aux enjeux de formation. Outre les bénéfices déjà relevés, il permet en effet à l'entreprise de renforcer considérablement l'efficacité de son dispositif : on passe du stage-évènement à une formation véritablement continue. Laquelle commence avant le stage et se poursuit après ; on ne cesse d'apprendre, au point qu'une identité de nature finit par se révèler : travailler, c'est apprendre et apprendre c'est travailler. Formation continue ? Plutôt continuum : apprentissage, développement des compétences, impact positif sur les opérations et les résultats de l'entreprise… Sans parler des gains que le salarié peut en tirer : bien-être au travail, reconnaissance, rémunération…
Le frein principal au développement du e-learning sous ses différents formes - composé avec des cours présentiels, ou e-learning tutoré incluant ou non des classes virtuelles, du serious gaming ou faisant appel aux ressources du Web 2.0 (blogs, communautés d'apprentissage, etc.) - ce frein réside essentiellement dans ce qu'on qualifie un peu paresseusement de résistance au changement. Celle-ci existe, assurément : le changement est tel, dans les modalités de formation comme le nombre des personnes concernées, qu'il doit être conduit de façon systématique et raisonnable… L'entreprise a beaucoup à progresser sur cette question.
Mais la problématique est plus large : c'est par défaut de stratégie que les entreprises pèchent le plus souvent ! Une stratégie partant de l'analyse classique des opportunités et menaces, des forces et des faiblesses, et prenant en compte des domaines variés - design des dispositifs blended learning types, contenus e-learning, évaluation des connaissances et de leur mise en application, plateforme LMS, marketing des nouvelles offres, compétences et organisation du Département Formation… Disposer d'une stratégie, c'est déjà forcer l'émergence d'une vision sans quoi rien n'est possible, sinon un catalogue de contenus, de technologies, d'actions qui manquent de sens.
Vision, volonté d'entreprise, capacité à conduire le changement… C'est l'essentiel, car le reste n'est affaire que de techniques éprouvées et d'argent… Les responsables de formation disposent aujourd'hui de toute l'information pour démontrer objectivement à des directions fort attentives quelles économies le e-learning permet de réaliser dans la formation, et, pour les plus avancés, l'importance de son retour sur investissement.
Les solutions existent, disions-nous : l'entreprise peut aujourd'hui s'équiper à bon marché en plateforme - à raison parfois d'un ou deux euros par mois par salarié, grâce au mode cloud qui remplace l'achat d'un logiciel et d'un serveur informatique par des abonnements ; elle peut se doter de contenus sur étagère de grande qualité, disponibles aujourd'hui dans la plupart des domaines ; elle peut réaliser elle-même ses contenus sur mesure métier, grâce à des outils auteurs bon marché et faciles à utiliser…
La question reste entière : comment les utiliser pour réinventer les dispositifs de formation ? Surtout comment se réinventer soi-même - formateur, concepteur pédagogique, responsable de formation… - pour mieux servir les attentes de salariés et d'entreprises qui commencent à s'éloigner des anciennes formules ?
Michel Diaz
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