ELEARNINGLETTER
ACTUALITE & STRATEGIES DIGITAL LEARNING
ACTUALITÉS ÉVÉNEMENTS OFFRES D'EMPLOIS COMMUNIQUÉS ANNUAIRE DES PREMIUM CONTRIBUTEURS S'ABONNER À LA NEWSLETTER
Combattre le vide : une mission d'intérêt public pour la formation !
11 NOVEMBRE 2025
Michel Diaz
directeur de la rédaction
e-learning letter
Quarante ans après "L’ère du vide", le maître-livre de Gilles Lipovetski, l’entreprise vit une mutation d’une autre nature mais d’une même essence : un travail saturé de productions automatiques et appauvri de sens. L’intelligence artificielle ne crée pas ce vide, elle le systématise. À force de confondre vitesse et valeur, la performance devient un mirage : on produit plus, mais on comprend moins. L'urgence : restaurer la substance du travail humain plutôt que de se concentrer sur la seule régulation de la technologie.

De la vitesse à la vacuité

L’entreprise moderne s’est construite sur un modèle d’efficacité linéaire : faire plus, plus vite, à moindre coût. L’IA générative pousse cette logique à son point extrême. En quelques secondes, elle transforme un brief en rapport, une idée en présentation, un script en vidéo. Les équipes produisent désormais des volumes de livrables qu’aucun humain ne lirait entièrement. Le paradoxe est total : la machine fluidifie tout, mais cette fluidité efface la profondeur. Ce que Lipovetski appelait la “culture du vide” — une société d’images sans ancrage — trouve ici sa version professionnelle : un monde de contenus sans pensée. L’IA n’accélère pas le progrès, elle accélère la superficialité si l’on ne prend pas soin d’en maîtriser le sens. L’illusion de performance repose sur des indicateurs trompeurs : nombre de documents produits, minutes économisées, taux d’utilisation des outils. Tout semble aller plus vite, mais rien ne va plus loin. La productivité devient un spectacle, et l’engagement s’étiole.

Le métier avant la machine

L’entreprise qui croit pouvoir "automatiser le sens" commet une erreur de fond : elle oublie que la compétence ne réside pas dans la production, mais dans l’interprétation. L’IA sait exécuter, elle ne sait pas comprendre. C’est au niveau du terrain que se joue désormais la différence entre valeur et vacuité. Là où la machine reproduit, le professionnel, lui, observe, analyse, ajuste. Le savoir utile ne se trouve pas dans les données, mais dans le geste. Revenir aux fondamentaux du métier, c’est refuser de déléguer à l’IA ce qu’elle ne saura jamais faire : décider avec discernement. Ce retour au concret n’est pas une nostalgie, c’est une urgence stratégique. Dans la banque, l’industrie, la formation, le commerce, les mêmes signaux faibles apparaissent : les organisations les plus performantes sont celles qui parviennent à reconnecter leurs collaborateurs au réel, à redonner au travail une densité vécue. L’IA peut libérer du temps, à condition qu’on sache à quoi le consacrer. Ce temps gagné n’a de valeur que s’il est réinvesti dans la relation, l’analyse, l’innovation, bref, dans tout ce que la machine ne peut pas simuler.

Repenser la mesure de la performance

La culture du chiffre a longtemps servi de boussole à la performance. Mais dans le flux des livrables automatiques, la boussole s’affole. Il ne s’agit plus de compter… mais de comprendre ce qu’on mesure ! L’entreprise doit redéfinir ses indicateurs : non pas combien de contenus ont été produits, mais combien de décisions se sont améliorées ; non pas combien de minutes ont été gagnées, mais combien de compétences ont été renforcées. La productivité devient intelligente lorsqu’elle se met au service du développement collectif. Les directions RH et formation jouent ici un rôle clé : elles seules peuvent réintroduire des critères qualitatifs là où la technologie tend à tout quantifier. Ce changement de métrique est culturel avant d’être technique. Il exige de retrouver le sens du temps long, de la réflexion partagée, du retour d’expérience. C’est aussi le moyen de réhabiliter le management de proximité, celui qui relie les chiffres à la réalité du travail. Mesurer la performance autrement, c’est reconnaître que la vitesse ne suffit plus à qualifier la réussite d’une équipe. On ne pilote pas une organisation avec des tableaux de bord pleins et des cerveaux vides.

Former à lire la machine

Dans ce nouvel environnement saturé de textes, d’images et d’idées générés, la compétence la plus stratégique devient la lecture critique. Non pas lire au sens scolaire, mais lire au sens de déchiffrer : discerner le vrai du vraisemblable, l’utile du superficiel. De l'intérêt, pour les entreprises, d'organiser des sessions où les collaborateurs confrontent les productions d’IA à leur expertise métier… Ces revues critiques sont autant de moments d’apprentissage collectif : elles révèlent ce que la machine ignore, elles restaurent la responsabilité du jugement. Former à l’usage de l’IA n’a de sens que si l’on forme simultanément à la lecture de ses productions. C’est une littératie nouvelle, à la fois cognitive et éthique. Elle suppose de replacer la pensée humaine au centre du processus : la machine rédige, mais l’humain décide de la valeur. Pour les responsables formation-RH, c’est un champ immense : concevoir des dispositifs qui développent le discernement, pas seulement la compétence technique. Car l’enjeu dépasse la maîtrise des outils. Il s’agit de préserver la capacité de l’entreprise à penser par elle-même, à éviter que la production de sens ne soit elle aussi externalisée.

L’ère du vide décrite par Lipovetski était un avertissement culturel. L’IA lui donne une réalité organisationnelle. La substance du travail disparaît à mesure qu'il s'automatise, s'instrumentalise, s'accélère. Mais cette vacuité n’est pas une fatalité. Elle peut devenir un levier, un révélateur. En remettant la mesure, la formation et le métier au cœur de la performance, les directions RH peuvent transformer la vitesse en intelligence, et la technologie en apprentissage. L’IA ne doit pas être l’ennemie du sens, mais son test permanent. Elle nous oblige à redéfinir ce qui mérite encore d’être pensé, appris, transmis. Et c’est là que tout commence.

ARTICLES RÉCENTS DANS LA MÊME THÉMATIQUE stratégies & transformations
Du poil à gratter dans la relation pédagogique ? •SUITE Combattre le vide : une mission d'intérêt public pour la formation ! •SUITE
Atlas : le navigateur qui avale la formation ! •SUITE Cybersécurité : l’heure de la formation obligatoire a-t-elle sonné ? •SUITE
Responsables formation, vérifiez vos sources ! •SUITE Quand les entreprises font de la formation un enjeu de société •SUITE
Blify veut imposer les agents IA dans la formation managériale •SUITE Les opérations, cœur battant de la délivrance de la formation à grande échelle •SUITE
De l’armoire à catalogues à la veille partagée : la transformation d’une pratique clé de la formation •SUITE Le syndrome Habsbourg guette-t-il les services formation ? •SUITE
page précédente retour à l'accueil tous les articles
À LIRE CETTE SEMAINE
« 2025 a rebattu les cartes : cap sur 2026 » — Entretien... •SUITE
Du poil à gratter dans la relation pédagogique ? •SUITE
Combattre le vide : une mission d'intérêt public pour la... •SUITE
Préserver la transmission et l’esprit critique à l’ère des... •SUITE
La formation, cœur vivant de la gestion des talents •SUITE
Stratégie de formation : crash test •SUITE
OFFRES D'EMPLOI
Graphiste (H/F) – Stage – 6 mois
SmartCanal
Ingénieur pédagogique (H/F) – Stage – 6 mois
SmartCanal
ILS INFORMENT
DGT Concept : DGT Learning Content Dispatcher : la solution cloud pour diffuser et...
Mandarine Academy : Comment réussir l’adoption de Microsoft 365 pour booster durablement...
PROCHAINS ÉVÉNEMENTS
Intégrer l’IA à ses pratiques pédagogiques
du 18 NOVEMBRE 2025 au 02 DÉCEMBRE 2025 / ISTF
Articulate Storyline: Formation (inter présentiel)
du 18 NOVEMBRE 2025 au 20 NOVEMBRE 2025 / DISTRISOFT
LES PLUS LUS
Comment assurer la maîtrise totale des connaissances ?
Neurosciences et engagement : capter l’attention dans...
Former, c'est engager !
Dernières annonces de ChatGPT : bouleversement attendu dans...
Comment Medtronic « Adkarise » la formation de sa...
Atlas : le navigateur qui avale la formation !
reviVRe : la réalité virtuelle au service de la formation...
L’équipe apprenante pour de vrai ? C'est possible (et...
INSCRIPTION NEWSLETTER CONTACTEZ NOUS PUBLIEZ OFFRE D'EMPLOI PUBLIEZ ACTUALITÉ MENTIONS LÉGALES CENTRE DE PRÉFÉRENCES
www.e-learning-letter.com - © copyright e-learning Media 2025 - images fournies par Adobe Stock et Freepik - tous droits réservés - déclaration CNIL n°1717089 - email : informations@e-learning-letter.com - création : Fair Media ®