L’approche badges semble faire l'objet d'un vrai engouement aux États-Unis… Est-ce la cas dans les entreprises européennes ?

Vincent Belliveau : Le système de badge fait sourire en Europe dans un premier temps. On pense à "l’employé du mois" de la restauration rapide, et cela semble un peu gadget. Mais si l’on creuse l’idée, c’est au contraire très valorisant car le principe n'est pas que le management mette en avant tel ou tel collègue, mais que ces collègues se félicitent mutuellement d’un travail bien fait. Par exemple, si un commercial souhaite remercier un consultant de l’avoir soutenu par une excellente présentation chez un prospect, il pourra le mettre en avant de cette façon. C’est très positif, et, je le constate en interne chez Cornerstone et chez nos clients, pas du tout utilisé de façon abusive ni superficielle ! 

Le "Leaderboard" qui permet à un salarié ou un manager de filtrer et de comparer les badges que lui ou son équipe ont obtenus est donc compatible avec la culture d’égalitarisme qui prévaut dans l’Hexagone ?

Vincent Belliveau : On met déjà en avant les meilleurs collaborateurs ! Le système de badge permet de renforcer l’aspect social et une émulation positive. On ne parle pas ici de rémunération ou de hiérarchie, mais le fait que le manager puisse faire des requêtes rend le processus plus transparent. Autrefois (il y a plus de 2 ou 3 ans !), on envoyait des mails de remerciement en mettant le manager en copie. C’est le même principe d’émulation positive qui prévaut ici. Et sur ce sujet comme sur tout projet lié à la gestion des talents, rien n’empêche d’impliquer les représentants du personnel. C’est quelque chose qui est systématique dans les projets que nous menons en Allemagne par exemple, mais beaucoup moins en France, ce qui est dommage. Nos clients sont en effet demandeurs de fonctionnalités collaboratives, et le marché va en ce sens, notamment en France.

Badges, leaderboards, possibilités de noter les ressources créées, est-ce une profession de foi de Cornerstone en matière de Social Learning ?

Vincent Belliveau : Oui, si vous voulez ! Je tiens cependant à préciser que nous étions pionniers dans ce domaine puisque notre module « Connect » a été lancé il y a plusieurs années déjà. Nous l’avons entièrement refondu récemment, et il permet d’ajouter cette composante sociale désormais indispensable aussi bien à notre module Formation qu’à la gestion de la performance ou même au recrutement. Si l’on élargit la question, Il est évident que toutes les organisations sont confrontées à un phénomène global de transformation numérique, lequel implique de gérer à la fois les processus RH "traditionnels" et les dimensions collaboratives. Cette combinaison d’efficacité opérationnelle couplée à une volonté d’impacter le business sur le long terme correspond à ce que souhaitent de façon très claire la majorité de nos clients. J’en profite pour rappeler qu’une étude que nous venons de publier avec IDC* montre que les entreprises à forte croissance sont aussi celles qui sont les plus collaboratives.

Quelles sont les autres évolutions récentes de l'offre Cornerstone ? Je pense en particulier à tout ce qui a trait aux données des salariés et à leur exploitation dans le champ de la formation ?

Vincent Belliveau : Cet aspect est celui dans lequel nous avons le plus investi ces dernières années. Avec le rachat d’Evolv, pionnier du Big Data RH, fin 2014, nous avons acquis une équipe ayant 7 ans de R&D dans ce domaine. Le choix d’appliquer ces algorithmes sur nos serveurs exclusivement permet de garantir la sécurité et la confidentialité des données, de même que la qualité puisque nous en connaissons l’origine. Récemment, nous avons aussi effectué une très importante mise à jour des bases de données de nos centres de données - des centres que nous administrons nous-mêmes,  en assumant pleinement la responsabilité de toute la gestion matérielle et logicielle, ce qui, là aussi, nous permet de garantir un niveau de service optimal à nos clients. Cette mise à jour permet aux données accessibles d’être en permanence à jour, ce qu'on désigne comme "instant datawarehouse" dans le monde anglo-saxon.

Pour nous l’analytique RH doit être vu comme un flux continu, passant de l’analytique (historique) au prédictif, et du spécifique au général. Une vision qui se reflète dans nos quatre offres complémentaires : le module Reporting, disponible en standard pour tous nos clients, permet l’accès à des rapports et des tableaux de bord. Le module View, une nouveauté, est une forme de "business intelligence" permettant de naviguer dans des univers de données de façon visuelle pour analyser les informations de façon plus large. Le module Insight, lancé en octobre, continue à s’enrichir de tableaux de bord prédictifs par sujet : risque de conformité, optimisation des formations, succession prédictive… Quant au dernier module, "Planning", nouveau lui aussi, il vise à planifier les ressources à long terme… Cet outil couplé à View, et à notre récent module Link de gestion centralisée des données collaborateurs, offre aux responsables RH français toute latitude d'élaborer la GPEC de leur entreprise.

Vous venez d’annoncer vos résultats… brillants !

Vincent Belliveau : Nos revenus mondiaux pour le 1er trimestre 2016 atteignent presque 100 millions de dollars (99,3 pour être précis). C’est vraiment impressionnant car cela correspond à une croissance de 34% par rapport au 1er trimestre 2015. Pour une entreprise de notre taille, c’est exceptionnel. Nous sommes désormais le premier acteur sur le marché de la gestion des talents, et le seul à communiquer ses chiffres de façon transparente. Nous avons annoncé aux investisseurs que nous serions bénéficiaires (normes comptables américaines "non-GAAP") en 2016. Il convient de noter que très peu d’acteurs Cloud en général, et aucun dans notre domaine, ne peut s’en prévaloir !

Propos recueillis par Michel Diaz

* Pour télécharger l'Étude IDC - Cornerstone : "Future People" : "L’évolution des environnements de travail à l’ère de la transformation digitale"