La blockchain en quelques mots ?

Stéphane de Jotemps : Quand on pense “blockchain” on pense souvent “bitcoin”, une crypto-monnaie digitale décentralisée basée sur une chaîne de blocs sans banque centrale… Mais la blockchain ne se limite pas aux crypto-monnaies, même si elle y révèle tout son potentiel, notamment en garantissant la transparence et la sécurité des transactions financières qui sont enregistrées sans corps central de gouvernance. Mais comme la blockchain permet d’automatiser et de rationaliser un grand nombre de tâches et de processus, elle peut s’appliquer dans de multiples domaines d’activité comme le journalisme, les transactions immobilières…

Le management et les RH ?

Stéphane de Jotemps : J’allais y venir. C’est ce qui nous intéresse au premier chef, chez Skillsoft : la blockchain va permettre de réinventer le management et la gestion des ressources humaines. D’abord, parce que les grandes organisations sont en train de monter en compétences, à travers des projets comme l'Interbank Information Network (IIN) auquel adhère plus de 75 des plus grandes banques internationales (JP Morgan, Santander, Société Générale) et qui vise à fluidifier les processus de paiements à l’échelle mondiale. Dans un tout autre domaine, Walmart utilise une base de données reposant sur la blockchain pour tracer les laitues et les épinards qu’elle reçoit de ses fournisseurs ! Cette montée en “compétences blockchain” est donc appelée à transformer les postes et les missions de collaborateurs dans tous les secteurs de l'entreprise, au même titre que l’intelligence artificielle, le machine learning… ou le 5G qui a fait beaucoup parler de lui au récent CES (Consumer Electronic Show).

En quoi le travail est-il changé ?

Stéphane de Jotemps : La blockchain permet d’automatiser les tâches répétitives et donc d’accélérer considérablement le traitement des données. Contrairement à ce qu’on peut entendre ça et là, ce ne sont pas 30 à 60% des postes de travail qui sont menacés, mais la part des tâches routinières qui existent dans tout travail ! Ceci dit, il est vrai que ce gain global de productivité pourrait déboucher sur des suppressions nettes d’emplois…

Une conséquence directe de la blockchain ?

Stéphane de Jotemps : Oui, parce qu’elle permet de partager des données de façon sécurisée sur un fichier commun, ce qui débouche sur une énorme simplification des processus. Cependant, le pire n’est jamais certain : les entreprises pourront maintenir leur compétitivité dans ce nouveau monde, si elles sont prêtes à transformer leur mode de pensée. Préparer leur personnel aux changements anticipés, développer la capacité d’innovation individuelle et collective sont les clés de leur avenir. 

Plus concrètement, comment peuvent-elles se préparer ?

Stéphane de Jotemps : D’abord la blockchain génère d’ores et déjà un grand nombre d’emplois ; et la demande des entreprises, notamment en matière de postes de développeur, va croître de façon exponentielle. Mais il nous faut, pour la plupart, réfléchir à la valeur que nous pourrons créer autrement dans ce monde de la blockchain. Cette réflexion incombe au plus haut niveau de l’entreprise : il appartient aux dirigeants de réfléchir à la façon dont le travail doit évoluer pour généraliser une nouvelle création de valeur. Je ne doute pas des innombrables opportunités qui vont émerger dans le sillage de l’automatisation, sous réserve encore une fois que les équipes soient formées et prêtes à s’engager dans ce nouveau défi.

Former à quoi ?

Stéphane de Jotemps : Former aux outils digitaux, et plus généralement à toutes les "hard skills" ; d’une façon permanente, car l’accélération digitale programme sans cesse leur obsolescence. Former aux soft skills, pour permettre aux collaborateurs d’explorer des modes de travail plus créatifs. On entend ça et là que 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore (source : Dell) ; à défaut de lire dans la boule de cristal, on peut être assuré que ces emplois seront à forte teneur "humaine" : compétences interpersonnelles, créativité, leadership, capacité d’adaptation… 

Propos recueillis par Michel Diaz