Cet été, Moodle HQ a alerté ses utilisateurs sur l’existence d’attaques récurrentes ciblant la plateforme. L’annonce a fait réagir : certains y ont vu la preuve que Moodle — et plus largement les solutions LMS Open Source — seraient moins fiables que ses concurrents « propriétaires ». D’autres ont au contraire salué la transparence et la réactivité de l’équipe de développement. Ce débat n’est pas nouveau : chaque incident de sécurité sur une solution Open Source génère les mêmes arguments, souvent relayés par les éditeurs de solutions commerciales qui y trouvent un angle d’attaque pour convaincre leurs prospects. La question mérite cependant d’être posée sereinement : les LMS Open Source seraient-ils moins sûrs ?
Les fondements de l’Open Source
Pour répondre, rappelons d’abord ce qui fait l’essence de l’Open Source : la transparence et le partage. Le code est ouvert, auditable, modifiable. Cette ouverture, loin d’être une faiblesse, constitue un atout majeur en matière de sécurité. En effet, elle permet à une communauté d’utilisateurs, de développeurs et d’experts de détecter rapidement les failles, de proposer des correctifs et de les partager avec l’ensemble de l’écosystème.
Contrairement à certaines idées reçues, la sécurité dans l’Open Source n’est pas « laissée au hasard ». Au contraire, elle est placée au cœur du modèle. Lorsqu’une faille est découverte, elle est documentée et corrigée publiquement. Si cela peut donner l’impression que les logiciels Open Source sont plus souvent vulnérables, c’est surtout parce que leurs problèmes ne sont pas cachés ! Dans le monde propriétaire, il arrive que des failles soient tues, parfois pendant des mois, pour éviter d’entacher l’image de la marque. Le message d’alerte diffusé cet été par Moodle HQ illustre donc davantage une bonne pratique — la transparence et la vigilance — qu’une faiblesse intrinsèque de la solution.
Les bases de la sécurité informatique
Mais, il serait naïf de croire que la sécurité dépend seulement du code de la plateforme de formation. Un LMS n’est jamais isolé : il s’intègre dans un large écosystème composé d’un système d’exploitation, d’un serveur web, d’un serveur de base de données, de solutions de messagerie, de firewalls et de multiples services connexes. Chacune de ces briques est un maillon de la chaîne. Or, on le sait, une chaîne vaut juste ce que vaut son maillon le plus faible. Ainsi, même si Moodle (ou une autre solution Open Source) est parfaitement à jour, la sécurité globale peut être compromise si l’une des couches sous-jacentes ne l’est pas. L’exemple de l’attaque « Wannacry » en mai 2017 reste dans les mémoires : des usines Renault ont dû s’arrêter pendant plusieurs jours, simplement parce que de nombreux systèmes Windows n’avaient pas été actualisés. La vulnérabilité n’était pas dans les logiciels métiers, mais dans le système d’exploitation. Cet épisode rappelle qu’aucun logiciel, qu’il soit Open Source ou propriétaire, ne peut garantir à lui seul la sécurité d’un environnement numérique.
La faiblesse entre la chaise et le clavier
Les experts en cybersécurité aiment à le rappeler avec ironie : « la principale faille se situe entre la chaise et le clavier ». Autrement dit, l’humain est souvent le maillon le plus vulnérable de la chaîne. Mots de passe trop simples, utilisés depuis des mois, voire des années, parfois partagés entre plusieurs services. Droits d’accès attribués trop généreusement, sans réflexion sur le principe de moindre privilège. Procédures mal appliquées, utilisateurs peu sensibilisés… Dans bien des cas, ce ne sont pas les logiciels qui sont en cause, mais la manière dont ils sont configurés et utilisés. Un exemple : combien d’organisations sont en retard dans la mise en place de l’authentification multifacteurs pour leurs comptes administrateurs ? Une mesure pourtant simple, qui réduit radicalement les risques d’intrusion. De même, combien appliquent réellement une politique stricte de gestion des mots de passe, avec un minimum de 12 caractères, un renouvellement régulier et l’interdiction de réutiliser d’anciens mots de passe ?
Responsabilité partagée
Pour résumer, la sécurité d’une plateforme LMS dépend de plusieurs facteurs. D’abord, du travail de l’éditeur, qu’il soit Open Source ou propriétaire. Ensuite de la qualité et de la mise à jour de l’infrastructure qui l’héberge. Mais surtout, elle repose sur le comportement et la vigilance des utilisateurs. Concrètement, quelques bonnes pratiques permettent de réduire fortement les risques : appliquer systématiquement les recommandations de l’ANSSI ; définir et faire respecter une politique de mots de passe cohérente ; mettre en place une authentification multifacteurs pour les comptes sensibles ; surveiller les alertes de sécurité publiées par le CERT-FR ; appliquer sans délai les correctifs de sécurité sur l’ensemble des outils de la chaîne.
Il est, bien sûr, essentiel de choisir un éditeur ou un intégrateur de LMS qui dispose de ses propres équipes de sécurité et qui publie régulièrement des alertes et des mises à jour. Dans cette perspective, le message diffusé par Moodle HQ n’est pas un signe inquiétant, mais plutôt une preuve de sérieux et de professionnalisme !
Finalement, la question « les LMS Open Source sont-ils sûrs ? » n’appelle pas une réponse binaire. Un LMS Open Source mal configuré, mal maintenu et utilisé sans règles claires sera vulnérable. À l’inverse, une solution Open Source gérée avec rigueur, entourée de procédures solides et d’une gouvernance de sécurité claire peut être tout aussi sûre — voire plus — qu’une solution propriétaire dont les failles restent cachées. La clé n’est pas dans le modèle de licence, mais dans la culture de sécurité que l’organisation choisit d’adopter.
|