Le groupe Weidong prend le contrôle de la société aux côtés de la famille Wemaere, une opération qui rassurera tout le monde - clients, salariés, partenaires… - car la restructuration des activités du groupe Demos n'est pas terminée. L’opération peut sembler compliquée au profane, mais la leçon est simple. Le groupe Weidong est devenu indirectement actionnaire de 27,14% du capital de Demos, en fait de 64% s’il convertit ses OC et BSA en actions (ce qu’il ne devrait pas manquer de faire), aux côtés de la famille de Jean Wemaere, le fondateur du groupe (par ailleurs Président de la Fédération de la Formation Professionnelle), qui conserve 30% du capital.
Le groupe Weidong a fait sa fortune dans le bâtiment, l’immobilier et l’hôtellerie, puis s’est diversifié dans l’éducation : sa plateforme e-learning supporte l’ensemble des contenus à distance du ministère de l’éducation chinois, il fait aussi état d’un partenariat dans l’éducation avec des organismes comme l’UNESCO. Tirant profit de sa bonne connaissance du marché chinois qu’il travaille depuis 18 ans, Jean Wemaere a trouvé un associé motivé par le marché européen de la formation professionnelle dont Demos est un des leaders, et disposant de moyens importants. Il en faudra, car les fonds propres de l’entreprise sortent affaiblis d’une succession de pertes et de plans de restructuration. La situation de trésorerie restait tendue, et la dette élevée ; l’augmentation de capital de 10 millions d’euros (à l’issue de laquelle ce n’est plus 64% mais 75% des actions qui seront entre les mains de Weidong) accompagnée d’un apport en compte courant de plus de 6 millions d’euros éclaircira la situation.
Pour combien de temps ? Difficile à dire, car la restructuration de Demos se déroule dans des conditions de marché loin d’être sereines. On a pu croire un temps que l'entreprise payait l’erreur d’investissements trop lourds et rapides (notamment dans les activités à l’international, Espagne, Portugal en particulier) effectués à contre-cycle, sur un marché de la formation qui subissait la grande crise ouverte en 2008. On ne peut plus se cacher aujourd’hui que les vaches grasses ne reviendront pas : le marché de la formation continue, tel qu’il est structuré autour de la Loi de 1971, ses business models, ses revenus, est en train de se dérober sous l’effet hautement corrosif du Digital, qui ne se contente pas de mettre à mal les seules corporations des taxis ou de la librairie ! Quel organisme de formation traditionnel, même investi dans le Blended Learning, affiche aujourd’hui des comptes florissants ? Question posée : la capacité (vision, moyens, temps) des organismes de formation à se réinventer autour du digital, alors que des concurrents qu’on n’attendait pas, souvent des groupes de taille sans commune mesure avec les TPE de la formation, sont animés des plus grandes ambitions. Loin d’avoir été un ralentisseur de ces évolutions, la nouvelle Réforme de la formation professionnelle, et les conditions désastreuses de son entrée en vigueur, n’auront fait qu’aggraver la situation. De ce point de vue elle aura été utile, en mettant en évidence la fragilité d’un secteur tout entier, qui ne parvient pas à suivre le rythme des innovations et des usages attendus par les entreprises et les salariés.
Jean Wemaere reste Président du conseil d’administration. Avec deux «incentives» : une promesse d’achat de ses actions par le groupe Weidong dans les trois prochaines années et la perspective de remettre à flot le groupe qu’il a fondé il y a 40 ans et mené aux premiers rangs de la formation en Europe. C’est tout ce qu’on lui souhaite.
Michel Diaz
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