L'auto-formation sous forme de e-learning généralisé donne potentiellement à chacun les moyens de son employabilité. Moyens et bientôt obligation : si l'entreprise déblaye les obstacles entre le salarié et ses apprentissages via la mise en place de nouveaux portails de formation plus engageants, c'est sur le salarié que repose in fine le soin de maintenir ou développer son emploi.
L’orientation apprenant, propriété émergente du e-learning
Qui dit e-learning, dit largement auto-formation. Raccourci : d’abord au poste de travail (le film d’écran d’il y a 15 ans et d’aujourd’hui encore délivré sur PC), puis en déplacement, à la maison, partout (les quiz, vidéos, learning games, échanges sociaux : activités sur smartphone ou autres).
Qui dit auto-formation dit nouvelle responsabilité de l’apprenant. Il n’est plus “stocké” en savoirs (dans le cadre d’un cours en salle dont le modèle est issu de l’éducation ou de la formation initiale) par un “sachant” (le formateur) ; c’est au contraire l'apprenant qui doit désormais personnellement veiller au bon état et à l’actualisation de ses connaissances grâce aux contenus et services proposés par le département formation dont la curation est devenue une mission essentielle, à laquelle s’adjoint le conseil et l’accompagnement de l’apprenant dans son parcours de formation pour éviter que la seule consommation dispersée des ressources en ligne engendre une perte du sens global. C’est une des limites de l’orientation apprenant : celui-ci a le plus souvent besoin d’une médiation / aide à la prise de recul sur son parcours de formation, son rythme, son adaptation en fonction des résultats, etc. - mais il n’empêche que les ressources élémentaires dont le parcours est composé continuent d'être pleinement du registre de l’auto-formation, même si le formateur peut apporter ici une aide ponctuelle à l'apprenant.
Orientation apprenant et employabilité
On voit l’orientation apprenant (responsabilité qui sourd donc de la nature même des dispositifs de formation distancielle) converger sous nos yeux avec une injonction pas si nouvelle : chacun est dorénavant responsable de son “employabilité”, c’est-à-dire de sa capacité à maintenir ou trouver un emploi (prochain développement attendu, les discours et les esprits s’y préparent : chacun est responsable de son emploi).
L’entreprise continue certes d’avoir sa responsabilité dans l’employabilité de ses salariés (ce que mentionne notamment la réforme de la formation professionnelle), mais on peut imaginer qu’elle finira par assurer le service minimum, au moment où le contrat de travail est progressivement érodé par le contrat de prestation promu dans la “gig economy” (un free-lancing qui se généralise). Si la formation devient un (sinon LE) sujet RH majeur, c'est parce qu'elle permet à l'entreprise d'assumer sans trop d'effort ni de risque sa part dans la co-responsabilité d'employabilité à travers des portails de formation gorgés de contenus pédagogiques digitaux accessibles tout le temps partout offerts en libre-service, mâtinés d'accompagnement pour les salariés les plus fragiles.
L'orientation apprenant et ses récents développements, je pense à la notion d’engagement, paraît bénéficier à l’apprenant, puisque tous les dispositifs de formation (learning) visent à sa plus grande satisfaction, notamment en reprenant à leur compte les codes et usages du web et du mobile. Mantra : apprendre est maintenant un plaisir (c’est parfois le cas, en effet), et j’ai perdu l’excuse de ne pas me former, car on a semble-t-il déblayé les obstacles qui pouvaient encore se dresser devant mon apprentissage continu. Mais ce plaisir est payé d’une contre-partie : mon emploi sera bientôt de mon seul ressort ! Que l'orientation apprenant et l'employabilité soient les deux faces d'une même médaille ne déplaira toutefois pas à ceux qui considèrent leur employabilité comme étant essentiellement de leur responsabilité !
Michel Diaz
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