Revue de détail avec Eric Beauvois, Président de l'association Ikare, le maître d'ouvrage du jeu Mucoplay, destiné aux malades atteints de mucoviscidose et à leur entourage, et qui a décroché tout à la fois un prix de la e-santé, et plus tôt dans l'année un Trophée du e-learning…
e-learning Letter : C'est le deuxième prix que Mucoplay décroche cette année…
Eric Beauvois : Mucoplay est le premier serious game dédié à la mucoviscidose. C'est l'originalité de son approche qui a été saluée.
D'abord il s’adresse à tous les publics concernés par la maladie, autant les patients eux-mêmes que les soignants et aidants familiaux. A ce titre, il décline les thématiques abordées selon des supports différents selon les public, du jeune enfant jusqu’au professionnel de santé averti.
Développé par une association de professionnels de santé, il est le témoignage de leur engagement au quotidien. En particulier, il est résolument orienté « patient », lequel a en effet été au centre de nos préoccupations tout au long de la phase de conception de nos scénarios de jeu… Son accès est actuellement gratuit, ce que souhaitent ses concepteurs, au moins pour le grand public non professionnel.
Nous sommes heureux des signes de reconnaissance que les professionnels du e-Learning ou ceux de la e-Santé nous ont envoyés à travers les prix obtenus ces derniers mois.
e-learning Letter : A qui est destiné Mucoplay ? Existe-t-il l'équivalent dans d'autres pays européens ?
Eric Beauvois : Mucoplay s’adresse à tous les acteurs concernés par la maladie, soit environ 6000 malades en France, leur entourage familial et les soignants. En tant que maladie génétique, la mucoviscidose touche l’enfant dès son plus jeune âge, et l’accompagnera au long de sa vie jusqu’à l’âge adulte.
Si les thématiques de Mucoplay sont bien communes - hygiène, nutrition, environnement du soin, thérapeutiques… -, nous les avons déclinées différemment selon les publics cibles. Par exemple, les quizz vidéo mettant en situation le joueur dans des scénarios quotidiens sont réservés aux publics professionnels, tandis que les modes « point and click » en simulation 3D sont destinés aux jeunes enfants.
Nous avons environ 15% de nos connexions qui émanent d’autres pays de la Communauté Européenne et de l’Amérique du Nord, qui nous font envisager une adaptation en langue anglaise de notre jeu.
e-learning Letter : Quelles équipes ont travaillé à sa réalisation et son lancement ?
Eric Beauvois : Ce projet s’inscrit dans le cadre des missions menées par Ikare, une association de santé créée en 1996 par des professionnels de santé spécialistes du soin respiratoire; Ikare s'investit dans quatre champs d’intervention : la formation initiale et continue des professionnel, la recherche clinique en santé respiratoire, l’éducation et la promotion de la santé respiratoire, l’intervention humanitaire dans les zones en développement.
C'est une association à but non lucratif, dont tous les projets sont autofinancés par les fonds propres de l’association et le recours aux subventions de partenaires. Quant à Mucoplay, nous avons constitué un comité de création au sein d’Ikare pour définir les contenus du jeu, et élaborer le cahier des charges pour les créatifs du label Exetera avec qui nous avons collaboré. Nous souhaitions que ce comité regroupe aussi bien des usagers, et notamment des patients adultes, que des professionnels de santé.
e-learning Letter : Comment le jeu a-t-il été financé ?
Eric Beauvois : Mucoplay a été financé par des subventions obtenus de partenaires, a posteriori. Nous avons commencé par monter le dossier du projet, puis nous avons démarché les partenaires qui nous semblaient les plus pertinents, en l'occurrence le Conseil Régional Rhône Alpes et le groupe Apicil. L’intégralité des 65000 euros perçus a été affectée au projet Mucoplay.
e-learning Letter : Comment a-t-il été reçu par ses principaux destinataires ? Comment va-t-il évoluer ?
Eric Beauvois : Chaque joueur se voit proposer un questionnaire avant de quitter le jeu… La satisfaction des joueurs sur les aspects soumis à leur évaluation - qualité de l’interface, cohérence vis-à-vis des préoccupations du joueur… - est importante : à ce jour plus de 75% d'indice de satisfaction relevé sur une base de 1000 inscrits. Des joueurs qui n'hésitent pas à faire leurs suggestions et nous proposer des évolutions pour les prochaines versions du jeu, grâce aux questions en texte libre.
Nous envisageons ainsi de créer un module FPS qui traiterait de l’utilisation des différents médicaments, d’autres quizz vidéo de mise en situation de soins techniques ; nous souhaitons aussi agrandir les univers « domestiques » dans la quête aux microbes, ou encore diversifier les situations quotidiennes à gérer, ainsi que l’évolution vers le diabète qui concerne environ 40% des patients à terme.
Une adaptation en anglais est en cours de réflexion. Il s’agit d’un travail plus conséquent qu’une simple traduction, car les habitudes alimentaires et les schémas de soin peuvent différer sensiblement dans nos deux cultures.
J'ajoute que le principe directeur de Mucoplay - le mix vidéo, quizz, infographie pour traiter une thématique commune à plusieurs publics - pourrait être décliné dans d'autres domaines de pathologie. Mais notre priorité, c'est de lancer rapidement la version 2 de Mucoplay, enrichie de nouveaux contenus, jusqu’à quinze modules dans l’idéal.
Propos recueillis par Michel Diaz
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