D’abord “engageant” n’est pas tout à fait “motivant” : le premier s’exprime surtout en acte (“je m’engage”) quand le second tient d’un état d’esprit (être ou ne pas être motivé, telle est la question). Digital Learning “engageant” : on demandera donc à l’apprenant de prouver en acte qu’il s’est engagé dans dans ce dispositif nouvelle manière proposé en entreprise.
Premier niveau de preuve : principalement encore les statistiques remontées (Scorm) de la plateforme LMS : statut du parcours de formation (commencé, en cours, etc.), temps passé, score obtenu. Des données qui ne prouvent pas grand chose (on peut ouvrir une session, y passer du temps, faire défiler les écrans d’un module e-learning, tout en procrastinant sur Facebook dans le même temps). Par ailleurs ces statistiques, notamment le taux de complétion, sont le plus souvent cachées, les responsables formation préférant taire qu’elles sont loin des considérables efforts investis.
D’autres preuves de l’engagement apprenant arrivent progressivement : dans les dispositifs qui intègrent les apprentissages expérientiels et sociaux (c’est vrai dans une certaine mesure, par exemple, des MOOC et autres SPOC qui proposent des exercices de groupe), la preuve de l’engagement est nettement moins contestable. C’est qu’on s’intéresse moins alors à des indicateurs obsolètes (le temps passé, utilisation des moyens) qu’à des “livrables” témoignant effectivement de la façon dont un apprenant s’est engagé dans son parcours de formation (la contribution à un fil de discussion, le commentaire sur une ressource pédagogique ou sur un quiz voire des video learning produites sur le terrain par l’apprenant). Cette capacité du Digital Learning à attester du niveau d’engagement lui ouvre de belles perspectives, contre des pratiques e-learning traditionnelles qui ont finalement déçu.
On notera au passage que cette question de l’engagement s’est développée dans le sillage de la formation distancielle. On s’en préoccupait moins quand la formation était réduite au format stage. D’abord parce que le stage était rare : un salarié qui devait attendre un an ou plus pour l’obtenir trouvait dans cette rareté même un puissant levier d’engagement. Ensuite, au moment où le stage se déroule, difficile de se mettre à l’écart du groupe, difficile de ne pas s’engager… quand le formateur connaît son métier.
On ne s’étonnera pas qu’une réflexion visant à rendre le Digital Learning engageant essaye de tirer profit des mécanismes en jeu dans une formation présentielle. La socialisation en particulier joue un rôle majeur : sortir l’apprenant de son isolement est une des raisons essentielles qui poussent au remplacement du e-learning traditionnel (linéaire, privilégiant l’auto-formation sans véritable support) par le Digital Learning et sa “profession de foi sociale”. Au fond, on apprend en interagissant avec la communauté apprenante, formateur inclus. Même truffés d’interactivité, e-reading ou e-learning ou serious games ne sauraient suffire, car celle-ci se cantonne la plupart du temps aux interactions entre l’apprenant et un objet / système (sauf dans les jeux multi joueurs). Il ne s’agit pas pour autant de rejeter en bloc ces modalités d’auto-formation, car elles peuvent suffire dans un certain nombre de cas. Par ailleurs, leur valeur est démultipliée dans leur utilisation au sein des nouveaux réseaux d’échange et de partage (social learning).
Michel Diaz
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