Le numérique bouleverse des modèles économiques qu’on croyait taillés dans le marbre. La décentralisation, qui n'est pas la désintermédiation, est un des nombreux aspects de la transformation en cours ; une récente étude* vient le rappeler, en donnant la parole aux cadres dirigeants et aux responsables informatiques… Nombre de responsables formation devraient partager ces constats.
Premier constat de l'étude : « 66% des cadres français constatent que la gestion des nouvelles technologies est en train de changer de main ». De fait les opérationnels, de quelque horizon qu'ils viennent, n’ont jamais été aussi impliqués dans le choix et l’exploitation des outils informatiques de leur métier. Peut-on d'ailleurs parler d’outils informatiques alors qu’ils prennent toujours plus massivement la forme de services offerts dans le Cloud. Ce constat vaut bien évidemment pour les métiers de la formation : les responsables formation se sont notamment appropriés la maîtrise d’ouvrage de leur plateforme LMS, comme le montre une récente étude Féfaur (près de 93% des responsables formation sont impliqués dans le choix de la plateforme LMS, loin devant la direction informatique (77,3%)).
Contrairement à ce que montre l'étude Vanson Bourne (54% des responsables informatiques ne voient pas ce changement de main d’un oeil favorable), la prise d'autonomie des responsables formation se fait sans trop de friction avec les directions informatiques finalement soulagées de n'être pas principalement en charge d'un domaine fonctionnel (la formation) qui n’est pas critique pour l’entreprise.
Décentraliser l’informatique : pour favoriser l’innovation. C'est ce que pensent 63% des cadres… et des responsables informatiques interrogés, ce qui constitue une belle preuve de lucidité de leur part : le train-train de la DSI ne permet plus d’innover assez vite. Deux angles de vue possibles. Le premier qu'on qualifiera de "réactif" : l’informatique rencontre des difficultés à servir des businesses qui ne cessent d’accélérer. Le second, proactif : l’informatique a des difficultés à anticiper, à reconnaître dans les nouvelles technologiques les "game changers" qui lui permettront d’offrir de nouvelles perspectives à l’entreprise.
Ce dilemme est aussi celui des responsables formation, dans la mise en oeuvre du Digital Learning : s’essouffler à suivre le rythme des métiers et des salariés (activités, attentes, usages, performance, etc.) ou venir avec des propositions à plus longue vue ? Les deux sont nécessaires, bien sûr, mais il faut avoir ancré une solide culture digitale au département formation, notamment à travers la digitalisation du catalogue des formations présentielles, avant de pouvoir passer à l’étape ultime du « digitally transformational », c'est-à-dire de l’innovation à flux continu sous l’égide du numérique. Un autre chiffre vient confirmer que les enjeux de l’informatique et de la formation restent proches : pour 58% des répondants, la décentralisation du numérique débouche sur le lancement plus rapide de nouveaux produits et services.
La question du contrôle est ici primordiale (confère le débat sur l’utilisation du smartphone privé au travail) ; elle ne se réduit pas aux seuls cas, de plus en plus nombreux, des collaborateurs nomades ou hors les murs physiques de l’entreprise ; elles touchent de même la formation via la question du Mobile Learning. Deux visions, de nouveau… Si, refusant toute utilisation professionnelle du smartphone privé, la direction informatique équipe une fonction (par exemple les vendeurs) d’un même parc mobile, elle simplifie grandement le travail du service formation ; à défaut, celui-ci devra se frotter aux arcanes du responsive design pour alléger la charge d’adaptation des contenus e-learning aux divers types de mobiles utilisés.
Innovation, contrôle, décentralisation… L’étude conclut sur la stratégie à adopter dans cette décentralisation numérique : pour 63% des cadres dirigeants, « la direction de l’innovation technologique devrait être partagée avec les lignes métiers ». A bon entendeur salut : on ne saurait trop conseiller aux services formation de prendre leur part dans l’innovation technologique dans le champ de leur métier.
Michel Diaz
*Étude de Vanson Bourne auprès de 1200 responsables informatiques et cadres dirigeants d’entreprises européennes, via une infographie vmware.
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