Dans beaucoup d’entreprises, l’évaluation de la formation est réduite au renseignement de la traditionnelle feuille d’évaluation en fin de stage. Il s’agit d’évaluer le niveau de satisfaction des apprenants. Rien d’autre. Exploitation réduite elle aussi : le formateur ou le gestionnaire de formation consultent rapidement les évaluations à la fin du stage ; elles finissent dans une armoire (ou un entrepôt de données), sauf si le stage a été catastrophique, ce qui appelle une action corrective ou compensatrice immédiate. Pourtant il suffirait que ces évaluations soient renseignées par les apprenants hors le regard du formateur, dans les jours suivants et en ligne, pour en faciliter grandement l’exploitation, et tirer de celle-ci des corrélations utiles.
Si les modules e-learning (et plus généralement les ressources en ligne mises à disposition des salariés ou des clients sur la plateforme LMS) sont rarement évalués par les apprenants (de crainte que qu’ils ne disent ce qu’ils en pensent réellement), ces modules tentent fréquemment d’évaluer les connaissances acquises en se formant en ligne, à travers un quiz final auto-administré. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, notamment sur les acteurs impliqués et sur la qualité du processus de conception des questions et du questionnaire (qui ne sont pas la même chose), les objectifs visés, le choix d’un score minimum, pour ne pas parler du niveau de feed-back au répondant en cas de mauvaise réponse. Copie souvent mauvaise ! (On reste atterré devant certains questionnaires qui interrogent sur le sérieux du processus d’évaluation).
On ne s’étonnera pas que le transfert des connaissances acquises soit aussi mal pris en compte. Dès lors qu’on n’a pas sondé les connaissances de l’apprenant avant son entrée en formation, pas plus qu’on ne s’est préoccupé sérieusement des connaissances que la formation doit transmettre et de la façon d’évaluer le résultat, il est difficile d’apprécier leur niveau d’application au travail ! Ce qui tombe bien, pour ceux des professionnels de formation qui considèrent que leur responsabilité s’arrête au moment où le client sort de sa formation. À leur décharge, ce bon transfert suppose aussi le plein engagement du salarié et de son manager ; une exigence qui n’est jamais gagnée d’avance.
On notera au passage que la quasi absence de cette évaluation rend impossible d’aller plus loin, notamment vers l’estimation du retour sur les attentes du commanditaire et a fortiori du retour sur investissement de la formation. Alors même qu’il devient prioritaire, pour la formation, de prouver la valeur qu’elle créée. Valeur à court terme, contribuant à la performance individuelle et collective ainsi qu’à l’alignement des compétences sur les marchés et les métiers de l’entreprise ; valeur à plus long terme, liée au développement des femmes et des hommes de l’entreprise, à leur employabilité.
Que faire ?
D’abord se rendre compte qu’on est en train de changer d’ère… Impossible de continuer à évaluer la formation comme on le faisait avant, ou comme on le fait encore souvent. La pression est telle (business, optimisation des coûts, digital…) que cette position est devenue intenable.
Ensuite, avoir conscience qu’un grand nombre des obstacles qui se dressaient devant la possibilité même d’évaluer ont disparu. Le numérique permet aujourd’hui d’automatiser le recueil et l’analyse de toutes les données nécessaires à l’évaluation, ouvrant un formidable terrain de jeu aux professionnels de formation. Il leur suffit d’acquérir quelques savoirs qui ne sont pas si coûteux, en particulier la connaissance des possibilités et des limites des technologies standard actuellement disponibles - laquelle ne constitue qu’un sous-domaine d’une compétence plus large, certes moins facile à développer (autant s’y mettre rapidement) englobant l’ingénierie d’évaluation.
Si les outils et les compétences sont possibles à réunir, c’est parfois la volonté qui manque, sous sa forme d’engagement véritable dans une stratégie d’évaluation. C’est sans doute la prochaine étape : découvrir que l’évaluation doit se doter d’une véritable stratégie, c’est-à-dire d’un corpus de réponses cohérent à toutes les questions qui ne manquent pas de se poser.
MD
(Contribution de Michel Diaz, extraite du livre de Jonathan Pottiez (à paraître courant 2017)
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