Depuis une dizaine d’année, la digitalisation de la formation a réactivé le vieux débat du ROI… S’il est aujourd’hui plus simple de calculer le retour sur investissement de la formation, on continue de se demander si ce calcul ne laisserait pas l’essentiel de côté : la valeur que la formation est susceptible de créer à long terme…
La question est plus que jamais d’actualité, à présent que les plateformes digitales permettent de collecter et de traiter des volumes de données qui étaient hors de portée du vieux monde. Désormais possible, le calcul du ROI de la formation n'en continue pas mois d'encourir des reproches, notamment celui d'un courtermisme qu’il faudrait dépasser, à moins qu'on restreigne son application à la classe (pas si restreinte que ça) des formations visant à développer le niveau de productivité ou de performance des salariés.
Même dans ce cas, le Modèle de Kirkpatrick préfère le concept de retour sur les attentes (ROE : Return On Expectations). Des attentes qui n’excluent certes pas qu’on puisse leur attacher des indicateurs chiffrés (que la formation aura pour but de faire bouger) - l’augmentation du chiffre d’affaires ou de la marge commerciale réalisés par un vendeur, par exemple, qui pourrait être directement imputée à sa formation… Quand il est possible (ce n'est pas toujours le cas), ce chiffrage est loin de déboucher systématiquement sur la connaissance du ROI ; il faudrait pour cela que les gestionnaires de formation connaissent l’autre partie de l’équation, qui est le détail des coûts (achats, coûts salariaux apprenants, formateurs, déplacements, etc.), ce qui n'est si fréquent qu'on pourrait le croire…
On peut toutefois considérer que le reproche de courtermisme part d’une incompréhension de la notion de ROI, qui est indissoluble de la durée qu'on fixe à l'amortissement de l'investissement ! Par exemple on ne reprochera pas à une entreprise investissant dans une machine outil d’être courtermiste ; au contraire, car le retour de cet investissement est calculé sur plusieurs années. Considérer une action de formation comme un investissement, c’est forcément lui fixer une durée d’amortissement : un mois, 6 mois, un an, 2 ans… ? Force est de constater, sur ce point, que le statut comptable et fiscal des dépenses de formation n'y aide pas : les responsables formation sont empêchés d’aller bien loin sur cette question, malgré leurs tentatives de raisonner en plan de formation pluri-annuel… A quand un ajustement du plan comptable qui permettrait de donner corps à l'amortissement de l'investissement formation sur plusieurs années ?
Cette durée d’amortissement serait aussi fort utile pour différencier et valoriser les projets de formation : combien de temps se fixe-t-on pour atteindre les résultats attendus ? La formation devrait jouer avec des échelles de temps différents. Résultats recherchés à court terme, quand la formation doit s’aligner avec les demandes opérationnelles, urgentes, du business et des salariés. Résultats à plus long terme, quand il s’agit du développement des salariés, de la culture d’entreprise, sous pilotage de la DRH largement en charge de ces objectifs.
Le défi est redoutable pour les responsables formation : se disposer en permanence dans ces deux rythmes - le court terme, terrain facilité du calcul de ROI (compte tenu notamment du statut comptable des dépenses) ; le long terme, correspondant à des investissements dont il est aujourd’hui délicat de démontrer le retour.
Michel Diaz
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