L’apprenant, on disait avant le stagiaire, a longtemps été considéré comme un usager… Il y a un service - celui de la formation -, son budget et ses gestionnaires qui tentent de rationaliser la dépense… Mais le lien entre dépense et hiérarchie des besoins individuels et collectifs reste trop souvent ténu, la préférence allant à une bonne répartition “démographique" de la dépense… Et si l’on commençait par considérer l’apprenant comme un client ?
Oui : à défaut que la formation dispose des indicateurs qui permettraient d’en faire l’investissement attendu des métiers et des salariés, si l’on commençait par considérer que l’apprenant n’est plus plus une sorte d’usager de la dépense interne de formation, mais le client d’un fournisseur (le département formation), un client comme un autre…
Il pourrait par exemple consulter l’avis des autres apprenants avant “d’acheter” la formation que l’entreprise lui propose… J’entends l’objection : la formation est gratuite, pourquoi faudrait-il la vendre ? Au contraire : la formation n’est jamais gratuite pour l’apprenant, car elle lui coûte au moins le temps qu’il va y passer, qui (même s’il est payé pendant la formation) pourrait être mieux occupé si celle-ci ne correspond pas à ses attentes. Cette notion - un “client interne achetant” une formation, ou un projet, une idée, une proposition… faite par l’entreprise - est fréquente dans les entreprises anglo-saxonnes : c’est le fameux “buy-in”. Si l’apprenant est un client, le responsable formation doit veiller au “buy-in” de ses offres.
Cet apprenant-client pourrait décider de suivre ou non une formation selon ce que les autres apprenants en auraient dit. Cela suppose qu’ils puissent tous donner leur avis sur une formation suivie ; pas seulement dans la feuille d’évaluation (confidentielle) ou dans ces enquêtes institutionnelles de loin en loin qui n’ont plus guère de sens à l’heure où l’on donne son avis en temps réel. L’apprenant dira ce qu’il a aimé, ce qu’il n’a pas aimé ; il le dira publiquement sur le “réseau social de formation”, suscitant une nouvelle posture des responsables formation : le remerciement des apprenants satisfaits, la conversion des mécontents en apprenants satisfaits grâce au train de mesures adéquates.
On sait que les entreprises les plus performantes consultent leurs clients très en amont, avant de concevoir leurs produits ou services. Pourquoi en effet se priver de cette intelligence collective ? Analogie dans le champ de la formation : prendre l’avis des apprenants dans la phase de conception, par exemple à travers la création et l’animation d’une sorte de “groupe consommateurs”. Les techniques existent de longue date, issues du marketing, elles ne sont pas si compliquées à acquérir. Ce qui l’est moins, une fois de plus, c’est la posture correspondante, qui est en rupture avec de mauvaises habitudes bien ancrées. Conception des offres nourrie de l’intelligence clients : on parlera ici de “design”, c’est-à-dire finalement de “conception orientée apprenant”. Les avantages en sont considérables : des formation mieux adaptées, plus opérationnelles, délivrées plus vite (le temps investi dans le design est rattrapé dans la réalisation et le déploiement de la formation), d’un coût inférieur, les apprenants boudant les “usines à gaz” de la formation.
Au passage : s’il est vrai que le responsable formation consulte souvent les experts en amont… il n’échappera à personne que l’expert n’est pas le client interne qui vient d’être mentionné. Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de consulter l’apprenant dans une sorte d’exercice obligé qui ferait moderne et participatif ! Mais d’en faire le co-designer de la solution de formation.
Ces quelques réflexions montrent que l’approche client est féconde, qui ne demande qu’à être étendue… La recherche d’une formation serait aussi simple qu’avec Google, mais combien de Portails de formation ont une interface capable de rivaliser avec cette simplicité ? Cette recherche pourrait trier sur le Web comme dans la base interne de l’entreprise, de façon transparente pour l’apprenant. Les échanges entre apprenants, la possibilité de donner son avis, seraient supportés par les fonctions sociales des plateformes LMS, proches de ces social media utilisés dans le commerce et le marketing. La fonction formation ajouterait une nouvelle corde à son arc - le “social media listening” ou écoute des conversations en ligne - pour mieux réguler son action et innover à courant continu dans ce qui a vraiment de la valeur pour les apprenants… Se dessine ainsi le portrait d’un apprenant contributeur, dont une partie des productions pourra être réutilisée par l’entreprise…
Si l’apprenant était un client…
Michel Diaz
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